Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/389

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
382
L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


giné sur ces deux cercles entraîne toute la sphère des étoiles fixes et les auges de toutes les planètes ; il est d’un degré en 86 ans. »

» Quelques modernes embrassent à la fois les deux opinions ; ils disent que les étoiles fixes se meuvent, à la fois, de ces deux mouvements. Partant, ils enseignent que les étoiles ont trois mouvements : Le mouvement qu’admettent les physiciens (naturales) ; le mouvement que suppose Ptolémée ; enfin le mouvement qu’ajoute Thébith. Mais comment cela se peut-il comprendre ? Si nous supposions que ces trois mouvements provinssent d’un même moteur et qu’ils s’effectuassent sur les mêmes pôles, cela serait impossible à imaginer. Mais si ces mouvements se font sur des pôles différents et s’ils sont produits par des moteurs différents, il est possible, comme nous l’avons dit, qu’on ait non seulement ces mouvements-là, mais même des mouvements plus nombreux. »

Bernard de Trille, donc, a reçu d’Albert le Grand l’hypothèse qui attribue, à la fois, aux étoiles fixes, une continuelle précession d’Occident en Orient et un mouvement d’accès et de recès ; cette hypothèse, il lui a donné tous les développements que sa Science astronomique pouvait concevoir ; en particulier, pour l’exposer plus complètement, il a lu avec soin le traité De motu octavæ sphœræ attribué à Thâbitben Kourrah ; il en a très exactement formulé les principes, dont Albert n’avait jamais parlé que d’une manière sommaire et confuse. Pas plus que son maître, il ne paraît avoir soupçonné que les traducteurs des Tables Alphonsines eussent, en même temps que l’Évêque de Ratisbonne, proposé une hypothèse toute semblable. D’ailleurs, en France, les Tables Alphonsines semblent être demeurées inconnues jusqu’à la fin du xiiie siècle, meme des astronomes de profession. Mais si ces Tables n’ont aucunement suggéré, à Albert et à Bernard, leurs hypothèses astronomiques, en revanche, l’enseignement de ces deux docteurs dominicains a dû préparer Les esprits à recevoir plus volontiers le système proposé par les astronomes d’Alphonse X.

Unir, dans un même système astronomique, l’hypothèse de la précession continue proposée par Hipparque et par Ptolémée et l’hypothèse de l’accès et du recès attribuée à Thâbit ben Kourrah, c’était, de la part d’Albert et de Bernard, une heureuse initiative ; c’était seconder une théorie dont, jusqu’à Copernic, les astronomes allaient communément user.

Or cet essai de synthèse, proposé par Albert le Grand et développé par Bernard de Trille, un autre maître dominicain, Thierry de Freiberg, allait bientôt s’y opposer avec force ; par là, Thierry