Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/381

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
374
L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


se mouvoir à la fois en des sens contraires. Or, nous voyons les sphères inférieures se mouvoir en sens contraire du mouvement diurne, qui est le mouvement de la sphère ultime. On ne saurait donc éviter qu’il n’y ait, dans la masse du cinquième corps, distinction entre les sphères diverses, comme il y a distinction entre les éléments au sein de la masse élémentaire. Quant à Saint Jean Chrysostome, il considère le ciel au point de vue de la nature commune qui convient, à la fois, à toutes les sphères.

» D’autres alors, dont le dernier a été Moïse [Maïmonide] l’Égyptien, ont dit qu’il y avait autant de sphères que d’étoiles ; de même qu’une sphère correspond à chaque planète, ainsi en est-il pour chaque étoile fixe.

» Mais il ne paraît pas que cette thèse puisse, elle non plus, se soutenir. Les étoiles qui paraissent fixées à une même surface concave doivent, semble-t-il, se trouver au sein d’une même sphère, car une même surface ne peut appartenir à plusieurs corps. Or, les étoiles fixes se trouvent toutes en une même surface ; il faut donc qu’elles soient toutes en une même sphère. D’ailleurs, si les diverses étoiles étaient en des sphères différentes, elles ne conserveraient pas des configurations et des aspects immuables ; elles feraient comme les planètes qui ne .demeurent pas toujours dans la même situation les unes par rapport aux autres ; or cela est évidemment faux.

» D’autres personnes ont admis seulement huit sphères ; elles ont dit que le firmament était la dernière ; les sens, en effet, ne perçoivent rien au delà de la sphère des étoiles fixes. Cette thèse fut celle de tous les philosophes de l’Antiquité jusqu’au temps de Ptolémée.

» Mais cette thèse ne se peut soutenir. Bien qu’au delà de la huitième sphère, aucune autre sphère ne se laisse percevoir, elle se laisse, cependant, saisir parle raisonnement, à partir des effets que le sens perçoit.

» D’un seul moteur simple, en tant que tel, ne peut résulter qu’un seul mouvement ; on en déduit, par réduction à l’absurde, que si un mobile n’est pas mû seulement d’un mouvement unique et simple, il n’est pas le premier mobile mû par le premier moteur. Or, dans la sphère des étoiles fixes, les savants ont reconnu trois mouvements différents. Le premier est le mouvement diurne qui se fait d’Orient en Occident autour des pôles du Monde et s’achève en vingt-quatre heures. Le second est le mouvement que les étoiles fixes font d’Occident en Orient, c’est à-dire en sens contraire du précédent ; il parcourt un degré en cent, ans et est com-