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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


tion, car la lumière n’est pas un corps ; c’est seulement une qualité, dérivée du corps lumineux, qui réside dans le milieu diaphane, comme la chaleur est une qualité dérivée du corps qui échauffe. Quant à ce qui est dit du corps céleste, qu’il n’est point divisible, cela est vrai du corps des sphères ou orbes.

» D’autres personnes prétendent donc que ce corps intermédiaire est compressible et dilatable, de telle manière que l’espace compris entre les cercles ou orbes des planètes soit toujours plein ; ce corps cède passage au corps de la planète qui est plus condensé et plus solide. Si l’on objecte que la rareté et la densité sont des propriétés de la matière élémentaire et non point de la cinquième essence, on répondra que lorsque l’on emploie ces mots, d’une part, pour les corps inférieurs et, d’autre part, pour les corps supérieurs, on en use par homonymie (æquivoce) ; au sein des corps inférieurs, ces qualités résultent des qualités premières, du chaud, auquel il appartient de raréfier, et du froid, auquel il appartient de condenser ; au sein des corps supérieurs, au contraire, elles proviennent uniquement de la subtilité ou de la densité plus grande ou plus petite des différentes parties du ciel, subtilité ou densité qui, à l’égard du mouvement des corps supérieurs, produit les effets qui ont été supposés.

» Cette opinion paraît, de toutes, la plus probable, et cela pour deux raisons.

» Tout d’abord, elle est celle que professent des hommes éprouvés en Philosophie, comme Avicenne, en sa Sufficientia cæli et mundi, et le sage philosophe Thébith, dans le livre qu’il a composé Sur le mouvement des sphères.

» En second lieu, elle se peut prouver d’une manière démonstrative, si l’on suppose l’excentricité des cercles des planètes, qu’admettent presque tous les astronomes. »

Bernard reproduit alors[1], avec d’insignifiantes variantes verbales, un raisonnement qu’Albert le Grand avait exposé[2]. Chaque planète est contenue dans un orbe dont les deux surfaces limites sont sphériques, concentriques entre elles, mais excentriques au Monde. L’espace compris entre deux de ces orbps successifs ne peut être rempli par un solide indéformable, car l’auge de l’orbe inférieur, par exemple ne demeure pas toujours vis-à-vis du même point de l’orbe supérieur.

Pour que cette démonstration soit concluante, il faut que le mouvement de l’auge ou apogée ne soit pas le même pour toutes

  1. Ms. cit., fol. 70, coll, b et c.
  2. Alberti Magni De Cœlo et Mundo lib. I, tract I, cap. XI.