Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/363

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
356
L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


cée par le commentateur grec sur le commentateur scolastique. De cette influence, nous avions occasion, il y a un instant, de relever une autre trace. D’ailleurs, elle n’est point niable ; dans ses Leçons sur le De Cælo et Mundo d’Aristote, Saint Thomas d’Aquin cite, à plusieurs reprises[1], les commentaires que Simplicius avait composés sur le même ouvrage.

Thomas d’Aquin semble avoir été l’introducteur, dans la Scolastique occidentale, du célèbre commentateur grec. En l’an 1271, Guillaume de Moerbeke qui était, en quelque sorte, le traducteur attitré du Docteur Angélique, mit en Latin, sans doute à la demande de son saint et savant ami, les commentaires au De Cælo et Mundo[2].

Trois ans après l’achèvement de cette traduction, Thomas d’Aquin mourait sans pouvoir terminer son commentaire au De Cælo, l’un des derniers ouvrages auxquels il ait mis la main ; la traduction de Simplicius par Guillaume de Moerbeke lui avait assurément servi pour la rédaction de ce commentaire.

Recommandé par l’autorité de Saint Thomas d’Aquin, l’enseignement de Simplicius exercera désormais une profonde influence sur le développement de la Physique scolastique. Parfois, nous verrons cette influence contrebalancer celle d’Aristote et même l’emporter sur elle.

Mais revenons à l’opinion que Thomas d’Aquin, disciple de Simplicius, professe au sujet des hypothèses astronomiques.

Prendre comme prémisses quelques-unes des propositions que la Philosophie première des Péripatéticiens regarde comme assurées ; par une déduction rigoureuse, en tirer l’explication précise et détaillée des mouvements des astres, telle serait la première des deux méthodes décrites par Saint Thomas, celle assurément qu’il regarde comme la plus parfaite. Malheureusement, nul n’a pu suivre cette méthode jusqu’à la construction d’un système astronomique satisfaisant. Des principes de la Physique d’Aristote, on a bien pu conclure l’existence d’une substance céleste dont le mouvement naturel est le mouvement circulaire uniforme ; mais lorsqu’on a voulu pousser plus loin, lorsqu’on a

  1. Voir, en particulier : in lib. I lect. VI et in lib. II lect. IV.
  2. Cette traduction, intitulée : Simplicii philosophi acutissimi Commentaria in quatuor libros de Cælo Aristotelis, a été trois fois imprimée (Venetiis, apud Hieronymum Scotum, 1540, 1544 et 1563). En 1526, les Aldes donnèrent, à Venise, une édition grecque des Commentaires de Simplicius ; mais Peyrou et M. Heiberg ont montré que cette édition ne reproduisait nullement le texte primitif de l’auteur ; elle notait qu’une version grecque, faite par Bessarion, de la traduction latine de Guillaume de Moerbeke (Cf. Simplicii In Aristotelis de Cælo commentaria. Edidit L. L. Heiberg, Berolini, 1894, pp. X-XII).