Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
28
L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

Les renseignements géographiques que contient le premier livre du De imagine mundi sont extraits, pour la plupart, des Étymologies d’Isidore de Séville ; quelques modifications, cependant, y ont été introduites ; il en est de malheureuses. Isidore, par exemple, enseignait[1] que « le Pô, fleuve d’Italie, coule des sommets des Alpes » ; le De imagine mundi veut, au contraire[2], que le Pô sorte des Apennins. Est-il sensé d’attribuer cette erreur à Saint Anselme, qui est né à Aoste ?

En revanche, Isidore de Séville n’avait fait aucune allusion à la Grande Bretagne ni aux pays septentrionaux ; l’auteur du De imagine mundi prend soin, sur ce point, de compléter l’auteur espagnol ; ses indications méritent d’être rapportées : « À l’ouest de l’Espagne », dit-il[3], « au milieu de l’Océan, on trouve les îles suivantes : La Bretagne ; Anglia (Anglesey) ; l’Hibernie ; Thanatis (Thanet) dont la terre, en quelque pays qu’on la transporte, détruit les serpents ; les îles en lesquelles se fait le solstice ; les vingt-trois Orcades ; la Scotie ; Thyle, dont les arbres ne perdent jamais leur feuilles, où le jour est continuel pendant les six mois d’été et la nuit continuelle pendant les six mois d’hiver ; au delà de cette île, vers le nord, s’étend la mer congelée et le froid y est perpétuel ».

Ne semble-t-il pas que cette addition émane d’un auteur qui habite la Bretagne ? Ne porte-t-elle pas à attribuer le De imagine mundi à cet Honorius Inclusus qui, au dire de Trittenheim, était un bénédictin breton ?

Un autre passage semble s’accorder avec cette supposition. Le chapitre consacré aux îles [4] se termine ainsi :

« Il y a, en outre, une île de l’Océan qu’on nomme l’Île perdue ; par la douceur de son climat, par sa fertilité en toutes choses, elle surpasse de beaucoup toutes les autres ; inconnue des hommes, elle fut, un jour, découverte par hasard ; mais ensuite, lorsqu’on l’a cherchée, on ne l’a-plus retrouvée ; c’est à cette île, dit-on, qu’aborda Brendanus. »

N’est-elle pas d’un Breton, cette allusion aux légendaires voyages de Saint Brendan ?

C’est, du reste, à Honorius Inclusus ou à Honorius Solitarius que

  1. Isidori Hispalensis episcopi Etymologiarum Iib. XIII, cap. XXI : De fluminibus.
  2. De imagine mundi lib. I ; apud Opusc., Cap. XVIII : De Europa. — Ap. Patrol., Cap. XXVIII : De Italia… ; col 129.
  3. De imagine mundi lib. I ; ap. Opusc., Cap. XVIII : De Europa. — Ap. Patrol., Cap. XXXI ; De Britannia. ; col. 130.
  4. De imagine mundi lib. I ; ap. Opusc, Cap. XX : De insulis. — Ap. Patrol., Cap. XXXVI, coll. 132-133.