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L’ASTRONOMIE DES DOMINICAINS


les astronomes attribuent le mouvement diurne, tandis que le huitième orbe porte les étoiles et leur imprime le mouvement d’où résulte la précession des équinoxes.

Pour établir la nécessité d’un neuvième ciel non étoilé et mobile, Albert emprunte l’autorité et les raisôns d’Alpétragius : Le double mouvement des étoiles fixes requiert un double moteur.

À cette occasion, Albert nous met au courant de ses connaissances touchant le mouvement lent des étoiles fixes.

Il sait que, pour Ptolémée, ce mouvement se réduit à une rotation uniforme de par siècle autour des pôles de l’écliptique ; il attribue aussi cette doctrine à Aristote, parce qu’il la lit dans le livre De causis proprietatum elementorum, où elle est, en effet, exposée.

Il sait qu’Albatégni attribue aux étoiles fixes une rotation semblable, mais plus rapide.

Il formule enfin le principe du mouvement d’accès et de recès imaginé par Thâbit ben Kourrah.

Suivant l’exemple de Thâbit, d’Al Zarkali, des Tables de Tolède, il regarde l’hypothèse du premier de ces astronomes comme exclusive de l’hypothèse de Ptolémée ou d’Albatégni ; il ne songe nullement, comme le font à la même époque les astronomes d’Alphonse X, à recevoir à la fois ces deux suppositions et à les composer entre elles.

Si les astronomes diffèrent au sujet de la loi du mouvement lent des étoiles fixes, ils s’accordent donc tous à admettre la coexistence d’un tel mouvement et du mouvement diurne ; d’où la nécessité d’un neuvième ciel homogène et transparent, producteur du mouvement diurne, au-dessus du huitième ciel étoilé, producteur du mouvement lent. En invoquant le commentaire d’un certain Nicolas sur l’Almageste de Ptolémée, Albert s’efforce de prouver que tel fut bien l’avis du grand astronome alexandrin. « Ptolémée, dit-il, dans la première distinction de l’Almageste, parle de deux cieux ; à l’un, il rapporte le mouvement diurne ; à l’autre le mouvement suivant l’écliptique ; et, selon le commentaire de Nicolas sur ce passage, il n’entend pas, [par ce dernier ciel], le cercle du Zodiaque, mais le huitième ciel ; et par le premier, il entend la neuvième sphère ».

Ce passage de l’Almageste, nous avons vu[1] comment Masciallah en avait donné une interprétation très certainement contraire à

  1. Voir : Première partie, ch. XII, § IV, t. II, pp. 205-206.