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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


La Bibliothèque Nationale possède une copie manuscrite [1], assez peu correcte, de cette lettre ; cette copie, qui provient de l’ancienne abbaye de Saint-Victor, nous a fourni le texte que nous avons étudié.

La lettre de Campanus commence en ces termes : « Clementissimo patri ac piissimo domino, unico mundane pressure solacio, Domino Urbano quarto, electione divina Sancte Romane Ecclesie summo pontifici, Campanus Novariensis, sue dignacionis servus inutilis, beatorum pedum osculum cum qua potest reverentia ».

La lettre de Campanus à Urbain IV est un document précieux.

Tout d’abord, comme Urbain IV a occupé la chaire de Saint-Pierre pendant moins de quatre ans (1261-1263), elle se trouve assez étroitement datée.

Elle va, en outre, nous apprendre que ce pape avait mis Campanus au nombre de ses chapelains.

Elle commence par un éloge [2] du gouvernement d’Urbain IV ; sous ce gouvernement, dans toute l’Eglise, « la charité brûle à l’intérieur, la piété brille à l’extérieur, la science rayonne de toutes parts ».

Insensiblement, cet éloge se transforme en une satire [3] du luxe fastueux auquel se complaisait Alexandre IV, le prédécesseur d’Urbain IV :

« Père, vous avez tiré de sa poussière la Philosophie que le secours de nos prélats avait délaissée et qui avait accoutumé de pleurer en une misère de mendiante. À l’aspect de votre Sérénité, elle a relevé le front, elle s’est redressée, tandis que jusqu’ici, sa pauvreté domestique l’avait obligée à se couvrir la tête du manteau de la honte ; le flanc amaigri, elle préférait demeurer à l’écart, faible et pudique, que de se mêler impudemment aux opulents festins des courtisans. On ne l’y invitait qu’à la façon dont on invite les histrions, pour faire rire ceux qu’on regardait vraiment comme de la maison, et pour qu’ils la tournassent en ridicule, elle à qui il appartient de former les mœurs et d’imposer une mesure à la vie des hommes ».

Il n’en est plus de même à la table d’Urbain IV ; la Philosophie vient s’y asseoir avec joie, car elle n’est plus traitée en étrangère.

1. Bibliothèque Nationale, fonds latin, ins. n° iS.ias ; fol. 174, r° à fol. 175, v°. — Le catalogue sommaire, édité par les soins de Léopold Delîsle, porte par erreur : Campant epistola ad Clenienteni IV (Inventaire des manuscrits latins conservés à la Bioliothèf/ae Nationale sous les n05 8823-18.813 ; Paris, 1803-1871).

2. Ms. cit., fol. 174, r°.

3. Ms. cit., fol. 174, v°.

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