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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


tions des planètes, ajoutant ici quelque chose, retranchant là quelque autre chose ; niais cela n’était pas suffisant, car, je l’ai dit, il s’était écoulé un long espace de temps entre les deux astronomes ; il en résultait une grande différence entre les lieux véritables des planètes » et les lieux donnés par les tables.

Profatius critique donc avec vivacité le procédé qui a servi à construire les Tables de Tolède ; ces tables, selon lui, ne sont qu’un remaniement, qu’une retouche empirique des Tables manuelles de Théon d’Alexandrie. Cette critique n’est pas exempte d’aigreur à l’égard d’Al Zarkali :

« Au lieu de tant insister sur la décrépitude de l’autre, il eût été plus convenable qu’il produisit sur nouveaux frais une œuvre entièrement neuve ; il ne l’a pas fait, soit parce que le travail était trop grand, soit pour je ne sais quelle autre raison. Il eût été convenable, aussi, qu’il mit en son écrit une autre chose : C’est qu’il ignorait si les tables dudit Arménius, qu’il s’efforçait de corriger, étaient construites au moyen des années chaldéennes, uniformément composées de 365 jours, ou au moyen des années alexandrines ; dans toutes les tables, en effet, cette question [du choix de l’année] est comme la racine et le fondement de l’œuvre tout entière.

» Les gens studieux ne tiraient donc plus aucune indication utile ni des tables d’Arménius ni même de celles d’Isaac, par suite des défauts que j’ai signalés ; parfois, à l’aide de ces tables, on trouvait une planète au lieu voulu ; parfois, on l’en trouvait assez proche ; mais, parfois aussi, tout à fait éloignée et différente. »

Il semblerait qu’une telle critique des tables de Tolède fût la préface naturelle d’une œuvre entièrement nouvelle, de l’œuvre que Profatius reproche à Al Zarkali de n’avoir pas accomplie. Point du tout. Par une singulière inconséquence, c’est de ces Tables de Tolède, tant décriées, qu’use notre rabbin pour construire son Almanach. Aux reproches, en effet, que nous venons de citer, voici la conclusion qu’il donne, d’une manière fort inattendue :

« Moi donc, Profatius le Juif, de Montpellier, d’abord à l’honneur et à la gloire de Dieu, puis en vue d’être utile à mes amis et, plus généralement, à tous, j’ai publié ces nouvelles tables ; elles suivent les racines communément reçues des Tables de Tolède, mais l’origine de leurs évaluations est le 1er mars de l’an 1300 des Chrétiens. En outre, par des canons, j’ai enseigné là voie et la méthode qu’il faut suivre en l’usage de ces tables, afin qu’au bout d’un nombre quelconque de révolutions d’une planète, on puisse