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L’ASTRONOMIE DES SÉCULIERS

« Tous les hommes, dit Jacob au début de ce prologue, désirent naturellement de savoir, et surtout de connaître ce qui est très élevé et très caché ; aussi beaucoup de gens veulent-ils connaître la science de l’Astronomie, qui traite des corps les plus haut placés ; mais, en même temps, des causes multiples les retardent et les empêchent en l’acquisition de cette connaissance.

» C’est, d’abord, que beaucoup de personnes, bien que- douées d’une intelligence très subtile, ne peuvent qtfà grand peine imaginer des figures tracées sur un plan ; à plus forte raison leur est-il difficile de se représenter les figures dans l’espace, et plus difficile encore d’en imaginer les projections coniques.

» En second lieu, les autres sciences sont peu sujettes aü changement, en sorte que l’habitude qu’on en a acquise ne se perd point aisément, si ce n’est par cette altération et destruction générale qui entrave l’àme en l’usage de ses facultés. Mais de cette scicnce-là, il ne suffit pas d’avoir acquis une fois pour toutes une connaissance habituelle ; il faut s’y exercer continuellement, en calculant des conjonctions et des oppositions d’astres, des mouvements de planètes, afin de savoir si elles sont en marche rétrograde, eu marche directe ou en station ; la fatigue qu’entraîne la continuelle observation de ces mouvements vient attiédir l’ardeur de connaître ; en beaucoup, le désir de la science s’alanguit.

» En troisième lieu, beaucoup poursuivent, en l’étude des sciences, un autre objet que le savoir même... »

Profatius nous parle, tout d’abord, de la Table des planètes ou de l’Almanach « qu’a fait Arménius, disciple de Ptolémée, à l’usage à sa fille Cléopâtre. » Il n’est pas malaisé de deviner qu’il s’agit des Tables manuelles composées par Théon d’Alexandrie pour sa fille Hypatia ; que Théon soit devenu Arménius ou Armonius et Hypatia, Cléopâtre, il n’y a rien là qui puisse étonner beaucoup ceux qui connaissent les étranges déformations éprouvées par les noms propres au cours de leur passage du Grec au Syriaque, du Syriaque à l’Arabe, de l’Arabe à l’Héhreu et, enfin, de F Hébreu au Latin.

« Toutefois, poursuit Profatius, au bout d’un temps très long, cet ouvrage fut trouvé rempli d’une multitude de défauts et d’erreurs ; aussi Isaac, fils d’Arzachel, de Séville [1] qui vivait six cents ans après le dit Arménius, c’est-à-dire en l’an 400 des Arabes, voulut « réparer » cet ouvrage. Il rétablit uniformément les équa-

1. Profatius écrit : Ysaac Arzachelis de Sibilia, et non Hispalensis ; il reproduit textuellement le mot arabe : Al Schibili.

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