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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


serve seule, aujourd’hui, cet ouvrage ; au contraire, les Chrétiens possédaient, longtemps avant les Juifs, la version des deux autres traités ; c’est même sur la version latine de Jean de Luna que Jacob d’Antoli a exécuté sa traduction de l’Abrégé d’Al Fergani ; il l’a seulement revue sur l’original arabe.

« Moïse ben Samuel ibn Tibbon, de Montpellier [1], continua les traditions de sa famille, vouée tout entière à la traduction des ouvrages arabe sen Hébreu. » L’activité de ce Moïse fils de Samuel paraît avoir été extrême ; il a composé un grand nombre d’ouvrages originaux, en même temps qu’il écrivait une foule de traductions.

Parmi les œuvres qu’il a fait passer de l’Arabe en Hébreu, il faut citer, en premier lieu, presque tous les commentaires d’Averroès (grands commentaires, commentaires moyens, abrégés) et même quelques-uns des ouvrages de Médecine composés par Ibn Rochd ; certaines de ces traductions sont datées ; celle du commentaire au Traité de l’Âme est de 1261.

Les Éléments d’Euclide, les commentaires composés sur ces Éléments par Ibn al Haitam, les Sphériques de Théodose, mis en Hébreu par Moïse, développèrent, chez les Juifs, le goût des études géométriques. À ceux d’entre eux qui se livraient à la Médecine (et, dans le pays de Montpellier, presque tous les rabbins instruits étaient médecins), Moïse ben Samuel donna, en 1272, le Petit canon d’Avicenne, puis les Aphorismes d’Hippocrate avec le commentaire de Maïmonide, l’Antidotaire de Rhasès, et bon nombre d’autres ouvrages.

Il n’oublia pas les astronomes. Après avoir traduit, pour eux, un Abrégé d’Astronomie, en dix-sept chapitres, attribué à Ptolémée, il leur donna, en 1271, une version hébraïque de l’Almageste. Bien auparavant, dès 1249, il avait traduit sur le texte arabe la Théorie des planètes d’Al Bitrogi. Gomme nous l’avons vu [2], c’est cette version hébraïque de Moïse ben Samuel ben Tibbon qui, en 1528, fut mise en Latin par le juif napolitain Calo Galonymos, et qui fut imprimée en 1531, tandis que l’ancienne version latine de Michel Scot est demeurée inédite.

Les rabbins Tibbonides dont nous avons cité les noms, Samuel ben Jehouda, Jacob Antoli, Moïse ben Samuel, n’ont travaillé que pour les Juifs ; leur versions hébraïques n’ont pas été traduites en Latin, ou elles ne l’ont été que fort tard, à une époque où elles n’apportaient aucune contribution nouvelle à la science des Chré-

1. Ernest Renan, Op. laud., pp. 593-599.

2. Voir : Chapitre XI, § VI ; t. II, p. 146.

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