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L’ASTRONOMIE DES SÉCULIERS


effet, qui fournit avec une inépuisable abondance tout ce qui est à l’usage des mortels ; elle est féconde en tous genres de métaux ; ses vastes plaines et ses collines se prêtent à une riche culture ; une terre fertile y produit, chacune en sa saison, des récoltes variées ; elle a des forêts remplies de bêtes sauvages de toute espèce ; il s’en trouve aussi dans ses bois ; ses herbages permettent d’alterner comme il convient le pâturage des troupeaux ; au pied de ses montagnes, des prés verdoyants offrent d’agréables sites ; de claires fontaines s’y écoulent en ruisseaux limpides ; de ceuxci, le léger murmure semble lutiner ceux qui reposent étendus sur leurs rives délicieuses ». Cette fraîche et ombreuse Angleterre ne devait-elle pas apparaître comme un paradis terrestre aux étudiants de Montpellier ?

Ce n’est assurément pas un ouvrage de premier ordre que Rober l’Anglais a produit en glosant la sphère de Joannes de Sacro-Bosco ; l’auteur ne mérite nullement d’être mis au nombre des grands esprits qui ont illustré le xiiie siècle ; mais, par sa médiocrité même, il attire notre attention ; il nous donne un exemple de ce qu’était sans doute, en son temps, la foule des astronomes.

Les pensées qui ont agité son siècle trouvent chacune un écho dans son opuscule, mais un écho affaibli, qui parfois les altère an point de les rendre méconnaissables, qui toujours les mêle ensemble sans souci de les accorder.

L’un des livres que Maître Robert cite le plus volontiers, c’est le De substantia orbis où Averroès conduit jusqu’à leurs plus extrêmes conséquences les principes péripatéticiens relatifs à la cinquième essence et aux intelligences motrices des cieux. Il lui arrive, sous l’influence de ce livre, d’embrasser les thèses les plus caractéristiques de l’Averroïsme. Il soutient, par exemple [1], que le ciel ne saurait cesser de se mouvoir et que, s’il cessait de se mouvoir, tout mouvement cesserait, par le fait même, en notre monde sublunaire. Ce sont là propositions qu’Étienne Tempier et les théologiens de Paris devaient condamner en 1277.

Or, tandis qu’en cette question, il suit sans hésiter l’opiniou d’Averroès, nous le voyons, ailleurs, modifier dans un sens acceptable pour un chrétien ce raisonnement péripatéticien : Le ciel est sphérique, car le mouvement du ciel doit être éternel, et la

1. Ro. Anglici Op. laud., cap. I, glosa Ilï, quæstio : Utrum cessante motu cæli posset esse motus in istis inferioribus. Ms. cit., fol. io, coll. c et d., et fol. 1i, col. a.

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