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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

explications beaucoup moins allégoriques des mêmes sujets.

Le firmament, selon ce que l’abbé de Fulde enseigne en cet ouvrage[1], a été formé au sein de l’eau, et de la substance même de Peau ; nous savons d’une manière certaine, en effet, que le cristal de roche, si pur, si transparent, et en même temps si solide, est une concrétion engendrée par l’eau ; pourquoi le firmament ne serait-il pas formé d’une matière semblable ? Quant aux eaux qui se trouvent au-dessus du firmament, Dieu ne les y maintient pas sous forme de vapeur ténue, mais sous forme de glace solide.

Les divers écrits de Rhaban Maur n’ont guère contribué à développer les connaissances astronomiques des Chrétiens d’Occident. Ils ne leur ont pas davantage révélé la Physique. Au sujet des éléments et de la substance céleste, l’abbé de Fulde se borne à copier textuellement[2] ce qu’Isidore de Séville avait écrit dans ses Étymologies.

Les élèves de Rhaban Maur ne semblent pas avoir pris, aux choses de l’Astronomie, beaucoup plus d’intérêt que leur maître n’en prenait ; c’est, du moins, ce que nous sommes portés à croire en lisant les œuvres de Walafrid Strabon ou Strabus.

Originaire de Souabe[3], ce Walafrid fut, d’abord, élève des écoles de Saint-Gall, puis de celles de Fulde, où il entendit les leçons de Rhaban Maur ; il devint successivement moine de l’abbaye de Fulde, doyen de Saint-Gall, et, en 842, abbé de Reichenau, au diocèse de Constance ; il mourut en 849, au cours d’un voyage en France.

De Walafrid Strabus, on possède une Glose de l’Écriture Sainte ; c’est, à propos de chaque verset de la Bible, un recueil de courts commentaires empruntés aux Pères de l’Église, à Isidore de Séville, à Bède et à Alcuin ; l’auteur y joint parfois quelques pensées qui lui sont propres.

Le commentaire de l’œuvre des six jours ne renferme presque rien qui intéresse l’histoire de la Science profane ; il convient cependant de relever, parmi ce qui est consacré au premier verset de la Genèse, la phrase suivante[4] :

« Le ciel dont il est ici question n’est pas le firmament visible,

  1. B. Rabani Mauri Commentaria in Genesim, lib. I, cap. III ; éd. cit., col. 449.
  2. B. Rabani Mauri De Universo lib. IX, cap. II : De elementis, et cap. IV : De partibus cæli ; éd. cit., coll. 262-263 et col. 265.
  3. Walaefudi Strabi Operum tomus I (Patrologiœ Latinœ, accurante J. P. Migne, t. CXIII), col. 9.
  4. Walafridi Strabi Fuldensis monachi Operum omnium pars prima sive Opera theologica. Glossa ordinaria. Genesis Cap. I, vers. I (Walafridi Strabi Operum t. I, col. 69).