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L’ASTRONOMIE DES SÉCULIERS


les mieux informés des choses de T Astronomie, les plus attentifs aux discussions qui mettent aux prises les savants de son temps. Mais alors, Bacon portera la bure de Saint François ; il aura vécu à Oxford et là, comme les frères mineurs d’Angleterre, plus qu’aucun d’entre eux, il se sera pleinement instruit en lisant les écrits de Robert Grosse-Teste, évêque de Lincoln.

VI

ROBERT GROSSE-TESTE, ÉVÊQUE DE LINCOLN

De fous les contemporains de Guillaume d’Auvergne, il n’en est sans doute aucun qui ait été plus profondément versé dans l’étude des sciences positives que Robert Grosse-Teste, évêque de Lincoln, dont Roger Bacon proclame si fréquemment et si ardemment la haute puissance intellectuelle.

Robert Great-Head ou, en français, Grosse-Teste (Robertus Capito), naquit vers 1175, dans le comté de Lincoln ; il étudia d’abord à Cambridge et à Oxford, puis vint se perfectionner à Paris. En 1235, il fut sacré évêque de Lincoln ; à ce titre, il eut à soutenir un grave démêlé avec Innocent IV. Il mourut en 1253.

Dans une très vive critique des traductions d’Aristote qui avaient cours au xme siècle, Roger Bacon écrit [1] :

« Il eût mieux valu pour les Latins, j’en suis certain, que la sagesse d’Aristote n’eût point été traduite, que de leur avoir été livrée sous une forme si obscure et si pervertie ; aussi se trouve-t-il des gens qui passent trente et quarante années à l’étudier, et plus ils la travaillent, moins ils la connaissent, comme j’ai pu l’éprouver de tous ceux qui se sont attachés aux livres d’Aristote. Aussi, Monseigneur Robert, autrefois évêque de Lincoln, de sainte mémoire, a-t-il complètement délaissé les livres d’Aristote et les méthodes qu’ils tracent ; c’est à l’aide de son expérience personnelle, par la lecture des autres auteurs, par l’étude des autres sciences qu’il a traité les sujets relevant de la sagesse d’Aristote ; et il a écrit sur les questions dont parlent les livres d’Aristote des choses cent mille fois meilleures que ce qu’on peut saisir dans de mauvaises traductions de ce philosophe. Nous en avons pour

  1. Fratris Rogeri Bacon Compendium studii, cap. VIII (Fratris Rogeri Bacon Opera quœdam hactenus inedita, éd, Brewer, Londres, 1869, p. 469).