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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

que de coutume ; mais les marées sont faibles au solstice d’hiver, et plus faibles encore au solstice d’été. »

À Pline encore est empruntée [1] cette proposition inexacte que les marées sont plus fortes quand la Lune est australe et plus faible quand elle est boréale. Mais Bède n’assigne plus aux marées, comme le faisait le Naturaliste, le cycle luni-solaire de huit années, l’octaétéride ; il leur assigne le cycle plus exact de dix-neuf années, l’ennéadécaétéride ou cycle de Méton.

Enfin, le Moine de Wearmouth fait appel à ses propres observations : « Nous savons, dit-il, nous qui habitons le rivage découpé de la Bretagne… »

Cette étude directe des marées lui a enseigné [2] que des vents favorables ou contraires peuvent avancer ou retarder les heures du flux et du reflux, les jours des ledones et des malinæ, troublant cet ordre qu’Augustin l’Hibernais réglait avec une précision toute mathématique.

Cette observation lui a également révélé une importante vérité [3] ; la marée ne se produit pas à la même heure sur toutes les plages que coupe un même méridien : « Ceux qui habitent sur le même rivage que moi, mais au nord, voient, bien avant moi, la marée croître ou décroître ; ceux qui habitent au midi le voient bien après moi. D’ailleurs, en toute région, la Lune garde toujours, à l’égard de la mer, la règle de société qu’elle a acceptée une fois pour toutes. — Servante quibusque in regionibus Luna semper regulam societatis ad mare quamcunque semel acceperit ».

Pour la première fois, nous entendons affirmer l’existence et la constance, en chaque lieu du globe, d’un retard de la marée sur l’heure lunaire, de ce retard qu’on nomme aujourd’hui l’établissement du port.

On voit que Bède est né, qu’il a vécu au bord de la mer, que les effets du flux et du reflux ont piqué sa curiosité ; à cette circonstance, nous devons de trouver, dans le traité De temporum ratione, les résultats de l’observation personnelle qui empêchent ce livre d’être une simple compilation.

Il ne nous sera pas donné d’adresser le même éloge aux œuvres de Rhaban Maur.

Rhaban Maur, né à Mayence en 776, étudia, d’abord, à l’abbaye de Fulde, puis, sous Alcuin, à Saint-Martin de Tours ; en 814, il reçut les ordres, puis visita la Terre-Sainte ; à son retour,

  1. Bède, loc. cit. ; éd. cit., col. 426.
  2. Bède, loc. cit. ; éd. cit., col. 425.
  3. Bède, loc. cit. ; éd. cit., col. 426.