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L’ASTRONOMIE DES SÉCULIERS


semble, au contraire, comme il semblera plus tard à Albert le Grand, que le système d’Al Bitrogi requière, pour le ciel tout entier, un seul principe moteur ; ce principe unique, il l’assimile à l’unique Âme du Monde que concevait Platon.

Il a, d’ailleurs, pour représenter comment l’Âme, qui réside dans le Ciel suprême, propage son influence d’un ciel à l’autre, une ingénieuse comparaison :

« Platon, dit-il [1], semble avoir placé cette Âme en un ciel unique ou bien encore dans tout l’Univers qui contient les neuf cieux mobiles.

» Dans ce qui précède, on a objecté à ce discours de Platon les divisions et les diversités des cieux, disant qu’elles ne permettaient pas à une âme unique d’animer tous les cieux. Sachez, à ce sujet, que beaucoup de facultés naturelles, que beaucoup d’âmes nobles, peuvent être reliées les unes avec les autres et, par le contact de leurs corps, fortifier les liens qui les unissent.

» En ce qui concerne les propriétés naturelles, vous en trouverez un exemple dans le contact du fer et de l’aimant… Lorsqu’un morceau de fer touche un aimant, il attire un nouveau morceau de fer ; celui-ci, à son tour, en attire un autre, et peut-être cela se poursuit-il sans fin. Si donc une aiguille touche une semblable pierre, elle reçoit, de ce contact, le pouvoir d’attirer une autre aiguille et, pour ainsi dire, de la coller à elle-même ; alors la seconde aiguille agira de même sur une troisième, la troisième sur une quatrième, la quatrième sur une cinquième. On n’a pas éprouvé par l’expérience, du moins à ma connaissance, si cette action a une fin, si elle s’arrête à un certain nombre d’aiguilles. De ces aiguilles successives, vous verrez la première demeurer suspendue à la pierre qu’elle touche, la seconde adhérer à la première par un contact semblable, puis la troisième, puis la quatrième et ainsi des autres ; la vertu par laquelle l’aimant fait adhérer la première aiguille se transmet à toutes les autres.

» Qu’y a-t-il d’étonnant, dès lors, si la vertu de la vie ou de de l’âme du premier ciel se transmet au second, puis du second au troisième, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’elle parvienne au dernier ciel mobile qui est le ciel de la Lune ? Cela ne se peut-il produire même s’il n’y a, entre eux, d’autre lien que la contiguïté et le contact, comme il arrive en l’exemple proposé ?…

» Selon Platon, le ciel qui est le premier et le plus noble est le

1. Gullielmi Parisiensis De Uniuerso, prima pars pi-incipalis, éd. 1516, pars II, Tractatus de providentia, cap. VII, t. II, fol. CXCIII, coll. c et d ; ed. 1674, pars III, cap. XXIX, t. II, p. 802.

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