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L’ASTRONOMIE DES SÉCULIERS


blèmes a changé ; elles est devenue plus philosophique et moins théologique ; en Physique, l’auteur fait rarement appel à l’autorité de l’Écriture et des Pères ; c’est à la raison humaine qu’il demande d’appuyer ses thèses. La notion d’une Science cosmologique indépendante de la Théologie, notion qui transparaissait déjà dans le De mundi constitutione liber du Pseudo-Bède, s’affirme nettement au cours du De Unieerso de Guillaume d’Auvergne ; par là, cette œuvre prépare la séparation entre la Science naturelle et la Science révélée qu’Albert le Grand et Thomas d’Aquin marqueront avec une rigoureuse netteté.

En revanche, dans les écrits de Guillaume d’Auvergne, nous ne percevons plus aucune trace du rationalisme qui se marquait avec tant d’audace dans les œuvres des Thierry de Chartres et des Guillaume de Conches.

Un autre caractère distingue le De Universo de Guillaume d’Auvergne des écrits cosmologiques plus anciens. Non seulement l’érudition de l’Évêque de Paris est beaucoup plus étendue que celle de ses prédécesseurs, mais elle a, pour ainsi dire, changé de nature ; elle reçoit en abondance l’afflux de sources qui n’avaient pas fécondé la science des siècles précédents ; ces sources sont les œuvres d’Aristote et celles des auteurs arabes. La comparaison du traité de Guillaume d’Auvergne aux traités analogues qui avaient été composés auparavant nous révèle la bienfaisante influence exercée par l’œuvre des traducteurs ; elle nous permet d’apprécier la justesse du mot de Roger Bacon que nous rappellions au début du § précédent : « La philosophie d’Aristote a pris un grand développement chez les Latins lorsque Michel Scot parut, vers l’an 1230, apportant certaines parties des traités mathématiques et physiques d’Aristote et de ses savants commentateurs ».

Amable Jourdain, dans la notice que nous avons mentionnée, a pris soin de relever la liste de tous les ouvrages d’Aristote que Guillaume d’Auvergne a cités, de tous les auteurs arabes qu’il a nommés ; cette énumération nous donne une juste idée de l’accroissement considérable que venait d’éprouver l’érudition dos Latins.

Ce n’est pas à dire que cette érudition ait acquis, dès ce moment, une extrême sécurité, ni que l’Évêque de Paris distingue d’une manière très précise les doctrines philosophiques et scientifiques de tous les auteurs dont il fait mention. Aristote et les penseurs arabes, dont confond volontiers les divers enseignements, forment, pour lui, une secte unique, qu’il désigne par cette phrase [1] :

  1. Gullielmi Alverni De Universo Partis primæ pars I, cap. XXIV ; éd.