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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

aux marées [1]. Ce que contient ce chapitre, d’ailleurs, se trouve repris, souvent avec plus de précision, et, parfois, heureusement corrigé, dans le traité que le Moine de Wearmouth a intitulé De ratione temporum [2].

Commençons par étudier le Liber de rerum natura.

« La marée de l’Océan, dit Bède [3], suit la Lune, comme si cet astre, par une aspiration, tirait la mer derrière lui, puis la repoussait par une impulsion contraire. Deux fois par jour, l’Océan semble affluer et refluer, avec un retard quotidien de trois quarts d’heure et un demi-douzième d’heure [quarante-sept minutes et demie]. »

Le commencement de ce passage nous révèle une des sources où Bède a puisé ; la première phase reproduit, presque mot pour mot, ce qu’avait dit Saint Ambroise, écho des paroles de Saint Basile. Isidore de Séville, lui aussi, avait cité ce propos de Saint Ambroise, mais parmi d’autres opinions contradictoires, et sans le prendre à son compte comme expression d’une vérité.

« Le cours de la marée, poursuit Bède [4], se partage en ledones et malinæ, c’est-à-dire en marées plus faibles et marées plus fortes. Une ledon afflue pendant six heures et reflue pendant le même temps ; au contraire, le flot d’une malina dure cinq heures et le jusant sept heures ». Il ajoute que les ledones commencent au cinquième et au vingtième jour de la Lune, que les malinæ, dont la durée est de sept jours et demi, mettent la nouvelle-lune ou la pleine-lune au milieu de cette durée. Tout cela est emprunté à Augustin l’Hibernais.

C’est encore d’Augustin l’Hibernais que Bède tient cette erreur [5] :

« Aux équinoxes et aux solstices, la marée de malina est plus forte que de coutume. »

Mais, aussitôt après, nous reconnaissons l’influence de Pline l’Ancien. Le Moine de Wearmouth reproduit, presque mot pour mot, les paroles de Pline, lorsqu’il affirme [6] que les marées se reproduisent exactement au bout d’un cycle de huit années, et que la Lune détermine de plus fortes marées lorsqu’elle est dans

  1. Bedæ Venerabilis De natura rerum liber, cap. XXXIX : De æstu Oceani ; éd. cit., coll. 268-260.
  2. Bedæ Venerabilis De temporum ratione cap. XXIX [Venerabilis Bedæ Opera, accurante Migne, t. I (Patrologiœ latinœ , t. XC), coll. 422-426].
  3. Bedæ Venerabilis De rerum natura liber, cap. XXXIX ; édit, cit., col. 258.
  4. Bède, loc. cit. ; éd. cit., coll. 268-269.
  5. Bède, loc. cit., col. 269.
  6. Bède, loc. cit., coll. 259-260.