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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

L’auteur y donne la définition des différents termes usités en ces tables. Les connaissances astronomiques dont il a besoin pour cela, nous pouvons deviner d’où, il les a tirées : « La longitude d’une ville, nous dit-il en ses définitions[1], est sa distance à l’ouest de la cité d’Arim, ville de l’Inde qui est exactement située sous le milieu de la zone torride ; c’est sur [le méridien de] cette ville que Ptolémée a composé l’Almageste, d’où les tables ont été tirées par le traducteur ; maître Gérard de Crémone (Gelaldus Cremonensis) dit que la distance de la ville de Tolède à Arim est de quatre heures et un dixième, ce qui fait 61° 5′[2]. »

Il semble bien résulter de ce passage que notre auteur ne connaissait que par ouï-dire l’Almageste de Ptolémée ; en revanche,il lisait la Théorie des planètes de Gérard de Crémone. Dès 1232 donc (car c’est, nous l’allons voir, la date probable des Tables de Londres), cet ouvrage était lu et attribué à Gérard de Crémone, ce qui enlève toute possibilité de l’attribuer à Gérard de Sahionetta. D’autres renseignements intéressants peuvent encore être tirés de la lecture de notre petit traité.

Près d’un siècle s’était écoulé depuis le temps où les Tables de Marseille avaient été dressées ; notre auteur nous apprend que, pendant ce temps, l’Bstronome marseillais avait eu de nombreux imitateurs ; il nous parle, en effet, d’une foule de tables astronomiques dressées au méridien de diverses villes[3] : « Dans les tables de Paris, de Londres, de Marseille, de Pise, de Palerme, de Constantinople, les lieux des planètes sont déterminés au moyen des années solaires, tandis que dans les tables de Gênes et de Tolède, ils sont déterminés au moyen des années lunaires. »

Un passage qui mérite de retenir l’attention est celui où notre auteur parle de l’erreur qui affecte le calendrier[4] :

« L’année, dit-il peut être solaire ou lunaire.

» L’année solaire est cet espace de temps au bout duquel le

  1. Op. laud., cap. V ; ms. cit., fol. 67, col. c.
  2. Le texte porte : {{angle|61|7} — Au commencement du septième chapitre des Theoricœ planetarum, Gérard de Crémone dit ce qu’était la ville d’Arim et donne la liste des auteurs qui ont, selon lui, construit des tables rapportées au méridien d’Arim ; parmi ces auteurs, il range Ptolémée. Il ajoute : « Celui qui veut transformer les tables pour d’autres lieux, retranchera ou ajoutera le cours moyen des astres pendant autant d’heures qu’il y en a dans la distance d’Arim à ces lieux ». Les éditions des Theoricœ planetarum qu’il nous a été donné de consulter n’indiquent pas quel est ce nombre pour la ville de Tolède, soit que les copistes aient laissé tomber cette indication, soit, plutôt, qu’elle fût une glose introduite au manuscrit dont usait notre astronome anglais. Néanmoins, il ne paraît pas douteux que l’allusion faite par celui-ci n’eût trait au passage des Theorieœ planetarum dont nous venons de parler.
  3. Op. laud., loc. cit., fol. 67, col. c.
  4. Op. laud., loc. cit., fol. 66, coll. c et d.