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LE TRIBUT DES ARABES


gnius a, dit-on, déterminé de la sorte de combien les auges des planètes se meuvent en un an, en un mois, en un jour ; il a dressé des tables relatives à ce mouvement. Il possédait un grand astrolabe qui mesurait trois coudées ou davantage ; maintes fois, nous l’avons eu entre les mains ».

Une première remarque mérite d’être faite au sujet de ce passage ; touchant les diverses hypothèses relatives à la précession des équinoxes, on s’attendrait à entendre citer le nom de Ptolémée, dont Al Fergani a simplement reproduit l’évaluation ; seuls les noms d’Al Fergani et d’Al Battani sont prononcés, comme si Gérard eût composé sa Théorie des planètes avant de traduire l’Almageste.

Cependant, il était déjà à Tolède lorsqu’il écrivit cet ouvrage, puisqu’il avait pu manier le grand astrolable d’Al Battani qui s’y trouvait, sans doute, précieusement conservé.

Ce fait, qui nous marque Tolède comme le lieu où fut composée la Theorica planetarum, permet de rejeter une hypothèse qui a été émise au sujet de l’auteur de cet ouvrage.

Au xiiie siècle, Guido Bonati, nommant[1] quelques-uns des savants qui furent ses contemporains (in tempore meo), cite un certain Girardus de Sabloneto Cremonensis.

Guido Bonati n’a pu regarder comme son contemporain le traducteur Gérard de Crémone, mort en 1187. Il faut donc en conclure que le Crémonais Gérard de Sabbionetta est un personnage tout autre que ce traducteur.

Cette conclusion est fortifiée jusqu’à l’évidence par ce fait[2] qu’un manuscrit de la Bibliothèque Vaticane, le ms. no 4083, contient des prédictions astrologiques faites par Gérard de Sabbionetta à Umberto, marquis Pellavicini, et que, de ces prédictions, deux furent données en 1253, une en 1258 et deux en 1259.

À partir du xve siècle, cependant, de continuelles confusions s’établirent entre ces deux hommes ; constamment, on attribua à Gérard de Sabbionetta des traductions qui avaient assurément été faites à Tolède au xiie siècle, à Gérard de Crémone des écrits qui pouvaient avoir été composés au xiiie siècle par son homonyme.

Pour démêler, ou mieux pour trancher ces complications, Tiraboschi proposa[3] un moyen aussi simple que brutal ; il consistait à donner toutes les traductions au Gérard de Crémone du xiie siè-

  1. Guidonis Bonati Foroliviensis mathematici de astronomia tractatus X. Pars II ; De nona domo cap. VI ; Basileæ, 1550 ; col. 335.
  2. B. Boncompagni, Op. laud., pp. 72-70.
  3. Tiraboschi, Storia della Litteratura italiana, t. IV, pp. 276-277.