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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


canons, et leurs colonnes de chiffres fins et serrés remplissent trente-et-une pages[1] du manuscrit que nous avons eu sous les yeux. Malheureusement, les fautes de copie y abondent. On en peut, cependant, tirer certains renseignements intéressants ; on y voit[2], par exemple, dans la table qui donne la déclinaison du Soleil pour chacune des positions, comptées de degré en degré, de l’astre sur l’écliptique, que l’auteur garde, à l’obliquité de l’écliptique, la valeur 23° 33′ 30″ indiquée par les Tables de Tolède.

Notre astronome, nous l’avons dit, était, en même temps, astrologue ; après avoir enseigné à ses contemporains l’art de calculer le cours des planètes, il entendait également leur enseigner l’art d’en tirer des jugements et des pronostics.

« À la suite de notre livre sur le cours des planètes, dit-il[3], nous avons ajouté les règles à suivre en donnant des jugements. Ces règles sont extraites non seulement du livre Alcabitius, c’est-à-dire Introdiicloriitm, qu’Abdilalet a, dit-on, composé, mais encore des livres d’Abenbeisar et d’autres astrologues. » Les noms des astrologues cités en ce passage sont quelque peu maltraités. Alcabitius y est donné comme le titre d’un ouvrage. Qu’était-ce, d’autre part, que Abenbeisar ? À la place de ce nom, ne faut-il pas lire celui d’Abou Masar, que notre auteur cite ailleurs[4], plus correctement sous le nom d’Albumassar, et qu’il qualifie ainsi : « hujus scientiæ indefessus investigator ? »

Quoi qu’il en soit, l’addition relative aux jugements astrologiques, que notre auteur avait mise à la suite de ses tables astronomiques, fait défaut au manuscrit que nous avons lu.

L’astronome de profession n’a pas seulement besoin de tables et de canons qui lui permettent de calculer le cours des astres ; il lui faut encore des instruments à l’aide desquels il puisse observer ces mêmes astres, contrôler les, indications des tables et les corriger au besoin.

Au Moyen Âge, l’instrument astronomique par excellence est l’astrolabe qu’en pays d’Islam, savants ingénieux et artistes habiles perfectionnent à l’envi[5]. Que l’utilité d’un tel instrument ait été comprise par les Latins dès l’instant qu’ils se sont préoccupés de la science des astres, nous en avons eu le témoignage au début de ce chapitre. À partir de l’An Mil, on voit se multiplier les

  1. Ms. cit., fol. 119, vo, à fol. 135, vo.
  2. Ms. cit., fol. 135, ro.
  3. Ms. cit., fol. 116, col. a.
  4. Ms. cit., fol. 110, col. d.
  5. L. Am Sédillot, Supplément au traité des instruments astronomiques des Arabes, Paris, 1844 ; pp. 149-194.