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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

L’ignorance de notre Marseillais touchant l’époque où vécut Ptolémée, dont tout le Moyen Âge faisait un roi d’Égypte, eût été dissipée par la lecture de l’Almageste ; mais Gérard de Crémone n’avait pas encore rendu cette lecture accessible aux Latins.

Si les livres et les tables d’Astronomie ne peuvent jamais prétendre à une rigueur absolue, ils tendent du moins, par ces corrections répétées, à une exactitude de plus en plus grande ; et, déjà, les traités qu’on possède méritent confiance.

« Nous croyons par Azarchel, qui vécut peu avant notre temps, car il n’y a pas cinquante ans[1] qu’il est mort, nous croyons par nous-même, qui n’avons pas épargné nos sueurs à ce labeur, que les cours erronés ont été assez exactement corrigés pour ne plus exiger à l’avenir qu’une correction petite ou nulle. Il faudra prendre soin, néanmoins, de les corriger s’ils ont un jour besoin d’être redressés. »

À ces observations, notre auteur ajoute cette très juste remarque qu’il est plus aisé de composer des tables qui, corrigées de temps à autre, demeurent très longtemps valables, que de construire un astrolabe qui demeure longtemps utilisable. « Un astrolabe devient vicieux d’autant plus vite qu’il est impossible, du moment qu’il est construit, d’y rien ajouter non plus que d’en rien retrancher[2].

Désireux de faciliter à ses contemporains l’étude du cours des planètes, quelle sorte d’ouvrage notre astronome écrira-t-il ? Fera-t-il un exposé du système des excentriques et des épicycles, une Théorie des planètes analogue à celle que Gérard de Crémone devait bientôt composer ? Non pas. Ce qu’il va donner aux Latins, ce sont des tables numériques, des canons propres à enseigner l’usage de ces tables, afin qu’ils puissent non pas discourir sur les mouvements des planètes, mais calculer ces mouvements.

« Nous avons donné nos soins, dit-il[3], à décrire le cours des planètes par nombres et par canons plutôt que de toute autre manière. Parmi les hommes instruits des disciplines philosophiques, personne n’ignore que les planètes se meuvent suivant certains nombres ; personne donc n’oserait nier qu’il fût plus facile de connaître leurs mouvements de cette manière que de toute autre. »

Ici encore, notre Marseillais se montre essentiellement astro-

  1. On sait qu’AI Zarkali observait encore en 1080 ; il peut donc avoir vécu au delà de 1090, comme notre auteur l’affirme ici.
  2. Ms. cit, , fol. 110, col. c.
  3. Ms. cit., fol. 116, col. b.