Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/207

Cette page n’a pas encore été corrigée
200
L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


Grèce, mais encore à l’Arabie. Déjà, cela se peut aisément reconnaître pour les autres arts ; si les Latins les possèdent, ce n’est pas qtfils les tiennent d’eux-mêmes, mais bien qu’ils les ont reçus d’autrui ; mais, surtout, cela se voit clairement en cette Astronomie dont nous parlions tout à l’heure. En Astronomie, la Latinité ne peut montrer, je ne dis pas aucun auteur, mais aucun traducteur dont elle ait à se vanter. Les Égyptiens possèdent une multitude de maîtres en cet art, parmi lesquels Hermès est le principal ; les Grecs ont Aristote, Abrachis (Hipparque), Ptolémée et d’autres innombrables ; les Arabes ont, avec beaucoup d’autres, Algorithme (Al Kharismi), Messahalla, Albatégnil Nos gens, au contraire, je veux dire les Latins, n’ont aucun auteur ; en guise de livres, ils n’ont que des folies, des songes, des fables de vieille femme.

» Voilà la cause qui m’a poussé, moi Platon de Tivoli, autant que mon intelligence m’en donnait le moyen, à enrichir notre langue de ce dont elle manquait le plus, en puisant dans les trésors d’une langue étrangère.

» Après en avoir longuement et soigneusement délibéré, je n’ai rien trouvé, en Grec ni en Arabe, qui eût trait à cette science et qui surpassât en perfection l’ouvrage de Ptolémée auquel on a donné le nom d’Almageste ; chaque cause des événements y est déterminée suivant la proportion des nombres ; elle y est appuyée des démonstrations rigoureuses que donnent les figures de la Géométrie. J’ai reconnu également que, parmi les Arabes, Albatégni avait été le parfait imitateur de Ptolémée ; il resserre en l’étendue d’un résumé la prolixité de Ptolémée ; il corrige les erreurs de celui-ci ; ces erreurs, d’ailleurs, sont fort rares, et Albatégni ne les impute pas à Ptolémée, mais aux observations initiales (radiæ) fournies par Abrachis ; il déclare, en effet, que sur une base fragile, le meilleur mécanicienne saurait construire un édifice stable.

» J’ai donc pensé que cet Albatégni devait être, par mon labeur et avec l’aide de Dieu, traduit et offert aux oreilles latines. Si le lecteur, en cette œuvre, se heurte à quelque difficulté, qu’il n’y voie pas un effet du défaut du traducteur, mais bien de ce qu’il y a de pénible en la matière. Ce livre, en effet, est, même en Arabe, d’une lecture très difficile, soit parce que la science est très subtile et les raisonnements douteux, soit parce qu’en une foule d’endroits, les démonstrations géométriques en ont été retranchées à dessein, comme il convient à un ouvrage qui n’a pas été composé pour les ignorants, mais pour les savants.

» J’invoque donc l’aide de Dieu, auteur de la Science. »