Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/202

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
195
LE TRIBUT DES ARABES

Nous avons dit[1] qu’Aristote, après avoir distingué dix catégories, n’avait, dans ses Catégories, étudié en détail que les quatre premières ; des six autres, qui sont :

τὸ ποιεῖν (agere, l’action),
τὸ πάσχειν (pati, la passion),
τὸ ϰεῖσθαι (poni, la position),
τὸ ποτέ (quando, quand ?),
τὸ ποῦ (ubi, où ?),
τὸ ἔχειν (habere, habitus, l’état),


il se contentait, en un chapitre unique, de dire quelques mots.

À son commentaire aux Catégories, Simplicius avait adjoint un long appendice où il étudiait les six prédicaments qu’Aristote avait négligés. Gilbert de la Porrée avait-il eu connaissance de cette œuvre de Simplicius ? L’admettre serait faire une supposition des plus invraisemblables. Il est à peu près certain qu’il eut, de lui-même, la pensée d’accomplir une œuvre de même sorte ; cette pensée l’amena à produire le Livre des six principes.

Ce livre eut, au Moyen Âge, une vogue extrême ; en effet, il se trouva d’emblée incorporé dans l’Organon ; de même que les collections de traités de Logique faisaient toujours précéder les Catégories d’Aristote de l’Εἰσαγωγή de Porphyre, de même leur donnèrent-elles pour suite le Livre des six principes. Ce traité fut commenté au même titre que ceux d’Aristote et de Porphyre ; parmi les commentaires qui en ont été conservés et imprimés, nous pouvons mentionner ceux d’Albert le Grand, d’Antonio d’Andrès, de Walter Burley.

Des pensées émises au Livre des six principes, les plus originales sont, peut-être, celles qui ont pour sujet la catégorie qu’Aristote nommait τὸ ποῦ et que Gilbert nomme ubi.

Un certain trouble régnait en ce qu’Aristote, au cours de ses divers ouvrages, avait dit de ce prédicament.

Ses Catégories ne marquaient point de distinction entre le lieu, ὁ τόπος, et le , ubi. Mieux encore, elles regardaient le lieu comme ce qui fournit la réponse à la question : Où ? τὸ ποῦ ; Du lieu, d’ailleurs, elles faisaient une propriété du corps logé.

Aristote parlait tout autrement au quatrième livre de la Physique ; le lieu n’y était plus une propriété du corps logé, mais bien du corps qui entoure et loge celui-là ; le lieu d’un corps, c’était

  1. Voir : Première partie, Chapitre II, § IV ; t. I, p. 43.