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LE TRIBUT DES ARABES

» L’air, donc, placé entre l’eau supérieure et l’eau inférieure et, par là même, agité par une plus forte chaleur, a, en entier, accompli sa troisième révolution ; durant cette révolution, il a découpé la terre ferme en un certain nombre d’iles. Durant cette même révolution, par la chaleur de l’air qui la recouvre mêlée à l’humidité d’une terre que l’eau venait à peine de délaisser, par ces deux forces, dis-je, la terre a reçu le pouvoir de produire des herbes et des arbres… Et la durée de cette troisième révolution fut appelée le troisième jour.

» Après que le firmament eût été posé entre l’eau supérieure et l’eau inférieure ; après que ces eaux dont le firmament est revêtu eussent engendré, en lui, une si grande chaleur que ce firmament pût, à l’aide de cette chaleur, restreindre l’eau liquide et faire apparaître la terre ferme ; après que tout cela eût été fait, dis-je, voici ce qui devait naturellement arriver : De la multitude des eaux que la chaleur du troisième jour avait amoncelées au firmament, les corps des étoiles allaient être créés en ce firmament céleste. »

C’est d’eau, en effet, que les étoiles sont formées ; faites de feu ou d’air, elles seraient invisibles ; d’autre part, la chaleur ne saurait élever la terre jusqu’au firmament. « La durée, donc, de la quatrième révolution est celle durant laquelle les corps des étoiles se sont concentrés sous figure de sphères au sein des eaux suspendues sous forme de vapeur ; et la durée de cette quatrième révolution fut appelée le quatrième jour.

» Les étoiles ayant été créées et ayant commencé de se mouvoir dans le ciel, la chaleur en fut accrue ; elle atteignit enfin le degré de la chaleur vitale ; sous cette forme, elle vint d’abord couver l’eau, puisque cet élément est au-dessus de la terre ; par là furent créés les animaux aquatiques et les oiseaux. La durée de cette cinquième révolution fut appelée le cinquième jour. » Aidée par l’humidité, cette chaleur vitale parvint naturellement jusqu’aux corps terrestres, et par là, les animaux terrestres furent créés ; parmi eux se trouvait l’homme, fait à l’image et à la ressemblance de Dieu. Et la durée de cette sixième révolution fut appelée le sixième jour. »

L’œuvre des six jours s’est donc déroulée sans aucune intervention directe de Dieu, par le jeu naturel des puissances du feu ; il a suffi qu’au premier instant, Dieu créât la matière, pour que cette matière, livrée à elle-même, produisît le Monde tel qu’il est. Ni Descartes ni Laplace ne dépasseront l’audacieux rationnalisme de Thierry ; ils réclameront même, pour que le Monde se puisse