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LE TRIBUT DES ARABES


teurs dont plusieurs étaient leurs propres disciples ; ces hommes, ce sont les écolâtres de Chartres. « L’École de Chartres, a dit fort justement M. l’abbé Clerval [1], fut un des canaux par lesquels les ouvrages d’Astronomie traduits de l’Arabe passèrent en Occident. » Les traités d’Astronomie ne sont pas, d’ailleurs, les seuls qui aient pénétré dans la Chrétienté par la porte de Chartres ; les livres de Logique et de Métaphysique ont souvent pris le même chemin ; Thierry, Bernard Silvestre, Gilbert de la Porrée semblent avoir été les premiers à lire l’Organon d’Aristote en son entier, et le Liber de causis de Proclus.

Il serait surprenant que les Scolastiques de Chartres, si heureux de recevoir les traductions faites par Hermann le Second et par ses auxiliaires Robert de Rétines et Rodolphe de Bruges, eussent ignoré celles que menaient à bien les interprètes de Tolède.

Ce serait d’autant plus surprenant que les deux collèges de traducteurs ne semblent pas être demeurés sans relation l’un avec l’autre. On conserve [2] à la Bibliothèque Nationale un écrit astronomique que Rodolphe de Bruges, disciple d’Hermann le Second, adresse « Dilectissimo domino suo Johanni » ; et M. Bubnov conjecture, avec vraisemblance, que ce Jean n’est autre que Jean de Luna.

Probablement donc, on recevait à Chartres, en même temps que les œuvres interprétées par le collège de traducteurs dont Hermann était le chef, les livres traduits par les interprètes de Raimond de Tolède.

En voici, d’ailleurs, une preuve péremptoire que nous fournit M. l’Abbé A. Clerval [3] :

À la Bibliothèques de Chartres, « le manuscrit 213, du xiie siècle, rempli de tableaux et de notes astrologiques, renferme le traité d’Alkabizi, traduit par Jean de Séville, et celui d’Aben-Eizor ; ce dernier est suivi d’observations pour les années 1139 et 1140 ; il dut donc venir d’Espagne avec ceux d’Hermann et de Rodolphe ».

Si nous voulons découvrir, en la Scolastique latine, la première trace de l’influence exercée par les livres physiques et métaphysiques d’Aristote, nous serons assurément bien inspirés en la recherchant dans les écrits de Thierry de Chartres et de ses disciples.

1. A. Clerval, Op. laud., p. 23g.

2. Bubnov, Op. laud., t p CVI et p. ii5, en note.

3. A. Clerval, Op. laud., p. 239.

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