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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


d’Avicenne, d’Algazel, d’Alfarabius, transmise de ces sources aux Latins par le diacre Dominique Gondisalvi et le Juif Jean Avendeath l’Espagnol… À cette époque, les écoles de France et d’Angleterre, divisées par les querelles des réaux et des nominaux, firent peu d’attention aux traductions de Gondisalvi et de son interprète ; sans doute, elles circulaient, mais elles n’avaient pas encore la vogue, et il serait difficile de déterminer chaque degré de leur succès. Avant la première ann, ée du xme siècle, les philosophes arabes et Aristote ne paraissent point cités dans les écrits des scholastiques. »

L’opinion que Jourdain exprime en ces dernières lignes est, croyons-nous, généralement reçue ; on admet que le développement de la Scolastique latine s’est poursuivi, jusqu’au xine siècle, sans subir l’influence de la Physique et de la Métaphysique péripatéticiennes.

Prise en ses grandes lignes, cette opinion est assurément conforme à la vérité ; nous en avons pour garant cette phrase célèbre de Roger Bacon [1] : « La philosophie d’Aristote a pris un grand développement chez les Latins, lorsque Michel Scot apparut, vers l’an 1230, apportant certaines parties des traités mathématiques et physiques d’Aristote et de ses savants commentateurs. »

Avant le xiiie siècle, donc, la Physique et la Métaphysique d’Aristote étaient peu connues des Latins ; il serait imprudent d’en conclure qu’elles leur fussent demeurées totalement inconnues. Les traductions de Jean Avendeath et de Dominique Gondisalvi n’avaient pas attiré l’attention générale des philosophes ; il n’en résulte pas qu’elles n’eussent pas été remarquées de quelque esprit plus particulièrement curieux. Un examen minutieux des œuvres que nous a laissées la Scolastique du xiie siècle, nous révélerait sans doute les traces qu’a marquées ce premier passage de la Physique d’Aristote en la Science occidentale.

Ces traces, où convient-il particulièrement de les rechercher ?

Nous venons de trouver un groupe d’hommes extrêmement soucieux de connaître ce que les Arabes avaient pu sauver de la Science antique ; nous avons vu ces hommes entretenir un continuel commerce avec les traducteurs établis en Espagne, traduc-

1. Fratris Rogeri Bacon, Ordinis Minoi’um, Opus ma jus ad Clementem (jaartum, Pontifîcem Romanum, ex M. S. Codice Dubliniensi cum aliis quibusdam collato nunc primum edidit S. Jebb, M. D., Londini, typis Gulielmi Bowyer, MDCCXXXIïI ; pp 36-37. — The « Opus majus* of Roger Bacon. Edited by John Henry Bridges, London, Edimburgh and Oxford, 1900. Vol. I, p. 55.

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