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LE SYSTÈME D’HÉRACLIDE AU MOYEN ÂGE


lement la seignorie ès cors des planètes, jà soit-ce que aucun poi i eust de Pair et de la terre. Et lor dona la légèreté et la griefté par droite proportion. Et ce qu’il sunt en haut et que il ont resplendor, ce ont-il de nature de feu. Ce que l’en les puet voair et que il sunt ferm et ne sunt mie liquide ne décorant [1], et ce qu’il ne puent monter au derrenier leu del feu, ce ont-il de la nature de Faive et de aucun poi de nature de terre. Dum la grieftez ne les laisse mie moult monter ne la légèreté moult descendre. Et porce que li feus et l’aive qui ont la segnorie en leur composition sont movable, porce se movent touz tems li planète ; et sunt-li un plus bas les autres selon la griefté et la légèresce qui est en eaus, si cum vos avez oï ci-desuz.

» Or demandent dunques cornent cil dui [2] élément porent assembler et durer en lor composition, qui sunt si contraire ; et cornent la nature de Faive qui est en eaus ne est destruite el feu où il se movent perdurablement. A ce respondent, si cum vos avez oï dessus, que il sunt II manières de feu. Li uns est ardens et menlables [3] et ociables [4], si cum est cist que nos avons çà-desouz, qui a ouveques soi meslée la nature des autres élémenz. Et est uns autres feus qui est assoagenz [5] et resplendissanz, qui ne art [6] ne ne gaste nule chose, si cum est cil qui est dès la Lune en amont [7], où il n’a nule répugnance et nule contrariété, et porce se tiènent et se gardent là li planète en lor perdurable movement.

» Et dient aucun philosophe que, de celui feu, est pris et très-portez li feus el cervel des homes et des bestes, dum la chalor de vie vient, et dum l’âme s’aide autresi cum de I estrument, et enuse en le ordenement de ses poessances et des V sens, ce est de voair, de oïr, de odorer, de goûter, de touchier. Ces manières de feu nos monstre Aristotes, là où il dit qu’il sunt III espices de feu : la lumière, la flamme et le charbon ; la première est là-desus ; les autres II avons-nos çà-desouz. »

La description de ce feu exempt de tout mélange, qui resplendit sans brûler et qui remplit les espaces célestes, parait empruntée à Jean Scot Erigène [8].

La théorie que nous venons d’entendre exposer, et qui a été mise sur le compte d’Aristote, trouve occasion de s’appliquer à la

1. Décorant = découlant.

2. Dui — deux.

3. Menlable = mêlable, capable de mélange.

4. Ociable — meurtrier, destructeur.

5. Assoagenz = adoucissant, calmant.

6. Art = : brûle.

7. Dès la Lune en amont = à partir de la Lune et au-dessus.

8. Vide supra, p. 60.

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