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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


lière sépare du dernier des orbes circulants ; il l’a formé d’un espace partout équidistant de la terre, et il y a placé les vertus des créatures spirituelles. L’Artisan du Monde s’est servi des eaux pour tempérer la nature de ce ciel, afin que l’ardeur du feu supérieur n’incendiât pas les éléments. Quant au ciel inférieur, il l’a fait solide et ne lui a pas donné un mouvement unique, mais plusieurs mouvements différents ; à ce ciel inférieur, il a assigné le nom de firmament, car c’est lui qui soutient les eaux supérieures. »

Au delà donc de l’ensemble des cieux solides et mobiles que considéraient les astronomes païens, ensemble qui reçoit ici le nom biblique de firmament, Isidore imagine deux autres cieux ; d’abord un ciel aqueux ; puis un ciel suprême, séjour des esprits. Cette hypothèse sera désormais adoptée par la plupart des cosmographes chrétiens ; elle jouera, dans le développement de l’Astronomie médiévale, un rôle considérable.

Du ciel aqueux, et du ciel suprême, séjour des bienheureux, qui le recouvre, Isidore n’avait rien dit dans ses Étymologies ; en revanche, il y parlait du cours des planètes un peu plus explicitement qu’au De natura rerum liber.

« Les astres, y disait-il[1], sont soit entraînés, soit nuis. Sont entraînés, les astres qui sont fixés au ciel et tournent avec le ciel ; sont mû s les astres, nommés planètes ou astres errants, qui accomplissent leur cours aberrant mais soumis, cependant, à une certaine loi.

»… Ces étoiles ont des cours différents parce qu’elles sont portées par des cercles célestes différents qu’on nomme cercles des planètes. Certaines d’entre elles, après s’être levées plus tôt [que les étoiles fixes], se couchent plus tard ; d’autres, qui se sont levées plus tôt, atteignent plus vite l’horizon ; d’autres, levées en même temps, se couchent à des instants différents ; chacune d’elles, cependant, accomplit son cours propre au bout d’un temps déterminé.

« … Le nombre circulaire d’une étoile est celui par lequel on connaît le temps qu’elle emploie à décrire son cercle, tant en longitude qu’en latitude. On dit, en effet, que la Lune accomplit sa révolution en huit ans, Mercure en vingt ans, Lucifer en neuf ans, le Soleil en dix-neuf ans, Vesper en quinze ans, Phaëton en douze ans, Saturne en trente ans. Ces années écoulées, la planète,

  1. Isidori Hispalensis episcopi Etymologiarum. libri XX ; lib. III, capp. LXII, LXIII,…, LXV, LXVI, LXVII, LXVIII, LXIX.