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LE SYSTÈME D’HÉRACLIDE AU MOYEN ÂGE


ne devait pas, de longtemps, faire entièrement oublier celle qui attribue le reflux et le flux à des gouffres capables, alternativement, d’absorber les eaux de la mer et de les revomir ; en exposant cette théorie-là, les Scolastiques ne manqueront guère d’accorder à celle-ci au moins une mention.

Dans la lutte entre la théorie astrologique des marées et les théories de Macrobe et de Paul Diacre, nous pouvons reconnaître une première forme d’un combat qui se poursuivra, entre ceux qui tentent d’expliquer ce phénomène, jusqu’au temps de Newton ; d’une part se tiendront ceux qui, plus ou moins teintés d’Astrologie, demandent à l’influence des astres de rendre comte du flux et du reflux de l’Océan ; d’autre part se tiendront ceux qui rejettent ces influences astrologiques et occultes, et qui ne veulent recourir qu’à des causes mécaniques prises ici-bas. Ceux-ci, parmi lesquels se rangera Galilée, seront assurément les plus sensés ; et ce sont ceux-là, cependant, qui s’approcheront davantage de la véritable explication.

XI

AVEN EZRA ET L’HYPOTHÈSE ASTRONOMIQUE D’aÉRACLIDE DU PONT

Nous n’eussions pas acquis une juste idée de l’influence exercée par Macrobe sur les physiciens du xne siècle si nous n’avions, dans l’espèce de digression que nous venons de faire, dit ce qu’il leur enseignait au sujet des marées ; mais si cette influence nous intéresse ici, c’est surtout parce qu elle a servi à répandre l’hypothèse d’Héraclide du Pont ; il est temps, pour nous, de reprendre l’histoire de cette hypothèse.

Exposée par Chalcidius, par Martianus Capella, par Macrobe, la théorie des planètes qu’avait imaginée Héraclide du Pont a joui d’une singulière faveur auprès des Platoniciens qui ont illustré l’ancienne Scolastique ; Jean Scot Érigène, le Pseudo-Bède, Guillaume de Conches et, peut-être, Honoré d’Autun l’ont adoptée ; ils ont fait de Mercure et de Vénus les satellites du Soleil ; plus audacieux, l’Érigène a étendu ce rôle même à Mars et à Jupiter.

Mais au temps même où écrivait Guillaume de Conches, les docteurs de la Chrétienté latine commencèrent d’avoir communication de la Science arabe et, par elle, de la Science hellène ; les deux grands systèmes qui, dans ces sciences, se disputaient l’empire de