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LE SYSTÈME D’HÉRACLIDE AU MOYEN ÂGE


des arbres et des herbes qu’elle dirige et dispose de telle manière que leurs variations suivent ses croissances et ses décroissances. La Lune est-elle privée de la lumière qui lui est due ? Vous voyez toutes choses vidées de leur contenu. Son disque est-il, de nouveau, éclairé en totalité ? Vous trouverez les os pleins de moelle, les crânes remplis par les cervelles, toutes les autres choses gorgées de sucs. »

Mais il est, dans le phénomène du flux et du reflux de la mer, des particularités que l’hypothèse astrologique paraît incapable d’expliquer ; ces particularités avaient conduit Adélard de Bath à nier toute action de la Lune sur les eaux de la mer ; ces particularités, Giraud, qui les connaît, va tenter d’en rendre compte par des raisons où nous reconnaîtrons certains souvenirs de Macrobe.

« Il vaut la peine, dit notre auteur [1], de développer les raisons de toutes ces choses et de dire pour quelles causes l’Océan occidental s’est, de préférence à la Mer moyenne et méditerranée, approprié ces flux et ces reflux dont l’incessante vivacité suit un ordre bien déterminé ; il vaut la peine de dire comment, sous le magistère de la Lune qui dispose des choses humides, tous ces effets se produisent. »

L’explication demandée, Giraud nous apprend qu’il l’avait donnée, d’une manière claire et brève, dans un petit traité en vers qu’il avait intitulé : De philosophicis flosculis. Ce traité est aujourd’hui perdu. L’auteur, heureusement, rappelle, dans sa Description de l’Irlande, quelles sont les quatre causes d’où se doit tirer cette explication :

« Les fleuves et les sources qui tombent dans la mer et qui, d’une certaine façon, l’émeuvent et la vivifient, sont toujours beaucoup plus abondants au voisinage des pôles de la terre.

» Les quatre parties de l’Océan qui sont opposées entre elles et qui sont les plus éloignées produisent alternativement une attraction et une absorption violente de la mer, puis une émission bouillonnante des eaux.

» C’est au voisinage de ses extrémités, que toute chose humide éprouve de suite un accroissement ou une diminution évidente.

» Ajoutez à cela qu’au voisinage de ses extrémités, l’Océan, soit lorsqu’il flue, soit lorsqu’il reflue, a un cours plus libre, mieux débarrassé de toute entrave ; lorsqu’au contraire les terres l’embrassent de tous côtés, lorsque, par les obstacles qu’elles lui oppo-

1. Giraud de Barri, loc. cit., pp. 79-80.

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