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LE SYSTÈME D’HÉRACLIDE AU MOYEN ÂGE


humide ; et plus la splendeur descend, plus la Lune dessèche l’humeur ; il en en est ainsi jusqu’au septième jour.

» Au septième jour, la Lune, entièrement embrasée, échauffe, par l’intermédiaire de l’air, la substance humide ; celle-ci, entrant en ébullition, se gonfle ; la marée croît ainsi jusqu’au quatorzième jour.

» Mais, pendant la troisième semaine, la chaleur qui soulève l’eau diminue sans cesse au sein de cette eau, et la marée en devient plus faible.

» Pendant la quatrième semaine, la splendeur du Soleil continue à monter, la chaleur disparaît, l’air se condense, la masse de la substance humide augmente ; de là, la croissance de la marée jusqu’à la nouvelle-lune. »

Ces dernières considérations sur les marées s’accordent bien avec la Mécanique céleste de Guillaume de Conches ; en cette Mécanique, l’action desséchante plus ou moins puissante qu’exercent les astres joue un rôle considérable ; les variations de l’action desséchante du Soleil expliquent les changements de distance d’une planète à la Terre ; de même, les alternatives des vives-eaux et des mortes-eaux sont dues aux variations du pouvoir qu’a la Lune de dessécher et d’échauffer.

Nous voyons, par l’exemple d’Adélard de Bath, de l’Imago Mundi, de Guillaume de Conches, que la théorie lunaire des marées avait, au xne siècle, à lutter contre deux autres théories, celle de Paul Diacre et celle de.Macrobe. Entre ces théories diverses, les physiciens, tel Adélard de Bath, faisaient parfois un choix décisif ; mais beaucoup demeuraient en suspens ; le Solitaire auquel nous devons l’Imago mundi juxtaposait l’hypothèse de l’action lunaire à celle de Paul Diacre ; Guillaume de Conches expliquait comme Macrobe le flux et le reflux diurnes, puis il invoquait le pouvoir de la Lune pour rendre compte des vives-eaux et des mortes-eaux.

Nous allons voir les trois doctrines se mêler dans ce que Giraud de Barri a dit du flux et du reflux de la mer.

Giraud de Barri, surnommé Giraud le Cambrien ou Giraud Silvestre (Giraldus Cambrensis ou Sylvestris), a laissé un écrit en trois livres sur ses propres actions [1]. Cet écrit et les autres traités du même auteur ont permis à J.-S. Brewer de retracer la vie de

1. Giraldi Cambrensis Libri III de rebus a se gestis. (Rerum Britannicarum Medii Ævi Scriptores, or Chronicles and Memorials of Great Britain and Ireland during the Middle Ages. — Gîraldl Cambrensis Opéra. Edited by J. S. Brewer. Vol. I, London, 1861, pp. 1-122).

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