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LE SYSTÈME D’HÉRACLIDE AU MOYEN ÂGE


qu’aux notions sur le phénomène des marées transmises par Saint Isidore, ils ajoutent des renseignements nouveaux ; ils décrivent très exactement la période mensuelle des marées, les vives-eaux ou ledones, les mortes-eaux ou malinæ ; ils savent comment ces alternatives sont reliées aux syzygies et aux quadratures ; la période annuelle ne leur est pas inconnue, encore qu’à leur science, sur ce point, se mêle une erreur.

Vient enfin le vénérable Bède ; à la lecture de Pline l’Ancien et d’Augustin l’Hibernais, il joint sa propre expérience ; il obtient ainsi, au sujet du flux et du reflux de la mer, une doctrine plus détaillée et plus complète que celle des météorologistes et des géographes de l’Antiquité ; à ce que ceux-ci savaient, il joint une loi importante, la loi de l’établissement du port.

Le Moyen Âge eût pu s’en tenir à ce que Bède lui enseignait au sujet des marées. Mais voici que deux influences fâcheuses vont remettre en question ce qui semblait résolu et troubler de nouveau ce qui était devenu clair. Ces deux influences sont celles de Paul Diacre et de Macrobe.

Né vers 720, mort en 778, Paul Diacre a écrit une Historia Longobardorum qui fut extrêmement lue ; c’est dans cette histoire que Paul nous fait connaître son opinion sur l’origine des marées [1].

Selon lui, il existe, à l’ouest des côtes de la Norvège, un gouffre très profond, qu’on peut appeler l’ombilic de la mer. « Deux fois par jour, dit-on, il absorbe les flots, puis les revomit, ce que prouve la vitesse extrême avec laquelle se font, le long de tous ces rivages, le flux et le reflux de la mer. — Quæ bis in die fluctus absorbere et rursum revomere dieitur, sicut per universa illa littora accedentibus ac recedentibus fluctibus celeritate nimia fieri comprobatur. »

Selon la très judicieuse remarque de M. R. Almagià [2], le point de départ de cette théorie est un renseignement exact ; Paul Diacre a eu connaissance du célèbre gouffre du Mælstrœm, qui se forme à Fouest de File de Moskœ, une des Lofloden ; dans ce gouffre, les courants de marée engendrent de redoutables tourbillons dont le sens se renverse au flot et au jusant ; notre auteur a pris l’effet pour la cause.

Il s’empresse, d’ailleurs, de généraliser son explication ; il l’étend

1. Pauli Diaconi Historia Longobardorum, lib. I, cap. VL (Édité dans les Monument a Germaniœ historica).

2 Robehto Almagià, La duttrina delta rnarea nelTAn ! iehita classiea e nel medio euo (Memorie delta Lteale Accadernia del Lineei, Série 5a, Classe di Scienze fisiche, matematische e naturali, vol. V, igo5, p. 425). DUHEM. — T. III. 8

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