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LE SYSTÈME D’HÉRACLIDE AU MOYEN ÂGE

Dans un écrit qu’on range parmi ceux de Bède, bien qu’il ne l’ait pas mis au catalogue de ses œuvres et que rien n’y porte sa marque, on trouve [1] une imitation plus servile, encore de ce que l’Évêque de Séville avait dit des atomes ; cette imitation, d’ailleurs, se donne comme l’expression de l’opinion d’Isidore. Ce passage sur les atomes a été presque textuellement reproduit par Rhaban Maur [2] .

Ni Isidore, ni Bède, ni Rhaban Maur n’ont, dans leur Physique, attribué de rôle essentiel à ces atomes qu’ils se bornaient à définir. En attachant la notion d’élément non point à une masse divisible mais à un atome indivisible, en exigeant, par exemple, que la terre élémentaire fût une parcelle insécable à la fois sèche et froide, Constantin l’Africain faisait preuve d’une véritable originalité ; il s’efforçait de souder la Physique d’Aristote à la Physique de Démocrite et d’Épicure.

Guillaume de Conches adopte pleinement cette idée.

Les corps que nous nommons feu, air, eau, terre, et que nous pouvons voir et toucher, ne méritent pas le nom d’éléments, elementa ; on devrait plutôt dire qu’ils sont formés d’éléments, elementata. La terre que nous touchons, par exemple, n’est pas un élément, car elle n’est pas indivisible ; elle n’est pas un élément, car elle n’est pas simple en qualité ; le chaud s’y constate ên même temps que le froid, l’humide en même temps que le sec.

La terre que nous pouvons manier est une juxtaposition d’éléments indivisibles. Parmi ces éléments, la majorité est constituée d’atomes à la fois secs et froids ; ce sont eux qui communiquent à la ferre sensible ses qualités dominantes. Mais entre les éléments terrestres, subsistent des pores par lesquels les éléments de l’eau et de l’air peuvent pénétrer ; et c’est pourquoi, dans la terre qui tombe sous les sens, nous trouvons non seulement du froid et de la sécheresse, mais aussi de l’humidité et de la chaleur.

Cette doctrine voit en l’élément une substance dont les qualités sont seulement les attributs ; elle s’oppose par là à la Physique de Scot Erigène qui, dans les quatre qualités mêmes, faisait résider les quatre éléments rationnels dont les éléments catholiques dérivaient.

Contre une telle doctrine, Guillaume s’élève avec sa fougue habituelle. « Il y a des gens », dit-il, « qui n’ont lu ni les écrits

1. Bedæ Venerabilis De divisionibus temporum liber II : De atomis [Bedæ Venerabilis Operum tomus I, accurante Migne (Patrologiœ latines t. XC) col. 6543-

2. Rabani Mauri De universo liber IX, cap. I : De atomis.

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