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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


sophie et la Science antiques ; ce désir se marque par le décret que rendit, à son instance, le quatrième concile de Tolède ; l’étude du Grec et de l’Hébreu, déjà florissante à Séville, fut étendue à toutes les églises épiscopales de l’Espagne.

L’ambition qu’avait Isidore de sauver, en faveur des Barbares, les épaves de la pensée hellénique et latine, d’instruire les Goths de ce que le passé avait connu, inspire bon nombre des écrits de l’Évêque de Séville et, en particulier, le grand traité qu’il a intitulé Les Étymologies ou Les Origines.

Nul livre n’était mieux fait pour plaire à des intelligences encore enfantines et avides de tout connaître que cette encyclopédie, où tout est enseigné en vingt livres que subdivisent des chapitres nombreux et concis.

La Grammaire est le sujet du premier livre des Étymologies ; la Rhétorique et la Logique occupent le second ; le troisième est consacré aux Sciences mathématiques et astronomiques ; la Médecine, le Droit auquel l’auteur adjoint l’étude du calendrier, précèdent, suivant un ordre dont la règle ne se laisse guère percevoir, les livres consacrés à Dieu et à l’Église ; puis les sciences naturelles se développent ; Anthropologie, Zoologie, Cosmographie, Géographie, Minéralogie, Géologie, Agronomie et Botanique se succèdent, et cèdent la place à des livres qui traitent vraiment de omni re scibili, qui enseignent jusqu’à la cuisine, jusqu’aux outils de jardinage et d’équitation, dont l’étude met fin aux Étymologies.

Les Origines d’Isidore de Séville sont comme le type sur lequel se modèleront plusieurs traités du Moyen Âge, et de ceux qui auront le plus de vogue ; en lisant les écrits que nous devrons analyser au cours du présent chapitre, nous serons souvent amenés à reconnaître, dans leur composition, l’influence des Étymologies. Lorsqu’au xiiie siècle, l’encyclopédie du grand Évêque espagnol aura vieilli à l’excès, de nouvelles compilations analogues verront le jour ; Barthélemy l’Anglais, le premier, composera son De proprietatibus rerum, puis Vincent de Beauvais écrira son Speculum triplex, naturale, historiale, morale ; ces deux livres, dont la vogue sera extrême, ne se borneront pas à reproduire maint chapitre des Étymologies ; ils procéderont du même esprit que le traité d’Isidore ; ils rivaliseront de succès avec ce traité, parce que, comme lui, ils s’efforceront de satisfaire à un désir, toujours ardent chez un grand nombre d’hommes, celui de posséder un livre où toute la Science soit condensée et emmagasinée, où l’on trouve sans peine réponse, à tout.