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LE SYSTÈME D’HÉRACLIDE AU MOYEN ÂGE


en ces circonstances, dit-il quelque part [1], nous laissons à l’esprit d’autrui le soin de le rechercher ; il faut, en effet, demander au maître le point de départ de la science ; mais la perfection, il la faut demander à son propre génie : Principium a magistro, sed perfectio debet esse ab ingenio ».

Après avoir ainsi défini les droits respectifs de la foi et de la raison, ceux de l’autorité et de la recherche personnelle, Guillaume cherche à délimiter les méthodes employées par le philosophe et celles dont use le physicien. Selon lui, le philosophe démontre des propositions nécessaires ; le physicien propose des opinions probables :

« Jusqu’ici, dit-il [2], nous avons disserté des choses qui sont et ne se voient pas ; parlons maintenant des choses qui sont et se voient. Avant d’aborder ce sujet, nous demandons qu’on n’aille pas nous blâmer si, parlant des choses visibles, nous énonçons quelque proposition qui soit probable mais non nécessaire, ou quelque autre qui soit nécessaire mais non probable. Comme philosophe, en effet, nous posons ce qui est nécessaire, lors même que cela ne semble pas probable ; comme physicien, nous y adjoignons ce qui est probable, lors même que ce n’est pas nécessaire. »

Ce souci de distinguer les diverses méthodes par lesquelles une même question peut être abordée et de définir exactement la portée de chacune d’elles, se marque encore en ce que Guillaume de Conches dit de la Science des astres [3]3 :

« Les auteurs ont parlé des corps célestes en trois manières différentes, en la manière fabuleuse, en la manière astrologique, en la manière astronomique.

» Nemrod, Hygin, Aratus parlent des astres d’une manière fabuleuse, lorsqu’ils racontent que le taureau avec lequel Jupiter avait enlevé Europe fut transformé en signe du Zodiaque, et lorsqu’ils font des récits analogues au sujet des autres signes. Cette façon de traiter des choses célestes est légitime ; sans elle, nous ne saurions ni en quelle partie du Ciel se trouve tel signe, ni combien d’étoiles il renferme, ni comment elles y sont disposées.

» Traiter une question selon la méthode astrologique, c’est dire

1. Hirsaugiensis, lib. 1, Principium et consummatio studii, p. 16. — Beda, lib. I, col. ii34* — Honorius, lib. I, cap. XXI : I)e elementis, col. 5o.

2. HiRSAUGiENSis, lilt). I, De iis quæ sunt et non videntur, pp. 11-12.— Beda, lib. I, col. ii32. — Honorius, lib. I, cap. XX : De dæmonibus, col.

3. 1 Iirsaugiensis, p. 3o, lib. I : Quot modis tractatur de superioribus. — Beda, lib. IJ, coll. 1140-1141’— Honorius, lib. II. cap. V : Quot modis auctoritas loquatur de superioribus.

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