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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


Monde composé par le Pseudo-Bède ; ces deux écrits révèlent souvent des préoccupations analogues.

La doctrine monopsychiste, si nettement formulée et si vivement repoussée par le Pseudo-Bède, sollicite également l’attention de Guillaume de Couches ; mais celui-ci n’expose pas [1] l’hérésie avec la même précision que celui-là ; il ne la rejette pas non plus avec la même intransigeance ; il semble près d’adopter un moyen terme, d’admettre qu’en chaque homme, l’âme individuelle coexiste avec l’Âme universelle du Monde ; et cependant, l’homme n’a pas, pour cela, deux âmes : « En l’homme donc, il y a une âme propre et l’Âme du Monde. Si quelqu’un allait en conclure qu’il y a deux âmes en l’homme, nous le nierions, car nous ne prétendons pas que l’Âme du Monde soit une âme. De même, lorsque nous disons que Rome est la tête du Monde, nous ne disons pas que Rome soit une tête ». Cette défaite était difficilement acceptable ; Guillaume, en effet, vient de définir l’Âme du Monde : « Une substance incorporelle qui est tout entière en chacun des corps » ; ce n’est donc pas par métaphore que le nom d’âme lui est donné. On comprend que Guillaume de Saint-Thierry n’ais pas jugé suffissante cette réfutation du monopsychisme.

Comme le Liber de constitutione Mundi du Pseudo-Bède, le traité De Philosophia Mundi est une tentative remarquable pour traiter les questions de Physique par les méthodes de la raison, et sans aucun recours aux enseignements de la Révélation.

Voyons, par exemple, comment elles résolvent la question si souvent agitée des eaux supérieures au firmament [2].

« Certaines personnes prétendent qu’au-dessus de l’éther se trouvent des eaux congelées, qui se présentent à nos yeux comme une membrane étendue au-dessus de laquelle se trouvent de véritables eaux ; ils citent, pour confirmer leur opinion, la Sainte Écriture qui dit : « Dieu a posé le firmament au milieu des eaux », et aussi : « Il a séparé les eaux qui sont au-dessous du firmament » de celles qui se trouvent au-dessus. » Mais nous allons montrer que cela est contraire à la raison et, par conséquent, ne peut être ; nous montrerons aussi comment la Sainte Écriture doit être comprise dans les passages cités ci-dessus.

1. Hirsaugiensis, lib. I, p. 8 : De allero eorum quæ sunt et non videntur, scilicet anima mundi. — Beda, col. n3o. —Honorius, lib. I, cap. XV : De anima mundi ; coll. 46-47 »

2. Hirsaugiensis, lib. I, pp. 28-20 : De superiori elemento, scilicet igné. — Beda, lib. II, coll. ri3g-iî4<>* — Honohiot, coll. 57-68 ; lib. Il, cap. II ; Quod aquæ coûgelatæ super ælhera non sint. Cap. 111 : Ouomodo intelligenduni ait : a Divisit aquas quæ sunt sub firmamento ».

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