d’existence nécessaire et incréée. « De même, disent-ils[1], si un pied se trouvait de toute éternité enfoncé dans le sable, éternellement, sous ce pied, la trace en serait marquée ; nul ne douterait, cependant, que cette trace ne soit faite par celui qui imprime son pied dans le sol ; le pied n’existerait pas avant la trace, et la trace, toutefois, serait faite par le pied. De même le Monde et les dieux qui ont été créés dans le Monde ont toujours existé, comme a toujours existé celui qui les a faits ; et cependant, ils ont été créés par lui ».
Dans ce Monde créé, mais éternel et périodique, il y a toujours eu du mouvement. Il n’est pas de révolution céleste qui n’ait été précédée par d’autres révolutions semblables. Dès lors, le temps, lui non plus, n’a pas eu de commencement ; il n’y a pas eu de premier jour ni de première Grande Année. Par cette conclusion, la doctrine néo-platonicienne venait rejoindre la doctrine péripatéticienne.
Les Juifs et les Chrétiens s’accordent avec les Néo-platoniciens contre les Péripatéticiens lorsqu’ils affirment que le Monde tient son existence de Dieu, qu’il a été créé. Mais ils contredisent également aux Péripatéticiens et aux Néo-platoniciens lorsqu’ils déclarent que le Monde a été innové, qu’il a eu un commencement ; que le mouvement, lui aussi, a commencé ; qu’il y a eu une première révolution du Soleil, une première révolution de la Lune. Les Néo-platoniciens s’attachaient à démontrer l’impossibilité de telles assertions. Pour réfuter le dogme judéo-chrétien, ils lui attribuaient un énoncé que nombre de Chrétiens, sans doute, en avaient également donné ; ils le formulaient ainsi : Le Monde a été créé dans le temps. Par cette proposition, ils entendaient mettre au compte des Chrétiens la doctrine suivante : Le temps se déroule sans commencement ni fin ; à un certain instant de ce temps infini, Dieu a créé le Monde, de telle sorte que, pendant la durée infinie qui a précédé cet instant, le Monde n’existait pas, et qu’à partir de cet instant, le Monde a existé pour ne plus finir.
C’est contre la doctrine judéo-chrétienne ainsi interprétée que les philosophes dressaient leurs objections.
Ils lui reprochaient, tout d’abord, d’être absurde en son principe. Le temps n’a pu précéder le Monde, car, pour qu’il y ait temps, il faut qu’il y ait mouvement, et il n’y avait aucun mouvement avant que le Monde fût, alors que Dieu seul existait.
Ils lui reprochaient, en second lieu, de contredire aux perfec-
- ↑ S. Aurelii Augustini De Civitate Dei lib. X, cap. XXXI.