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LA THÉORIE DES MARÉES ET L’ASTROLOGIE

tout au moins, l’âme de l’homme ; mais ils tenteront de le faire sans introduire, dans leur système du Monde, aucune contingence. Quelle sera la solution proposée par ces philosophes, nous le verrons bientôt. Il nous faut, auparavant, entendre l’enseignement de l’athéisme fataliste contre lequel s’élèvera le Néo-platonisme.


VI
LES PRINCIPES DE L’ASTROLOGIE APRÈS POSIDONIUS (suite).
LE FATALISME IMMANENT. MARCUS MANILIUS

Ptolémée donnait aux astres fixes ou mobiles le titre de efficientes ; il parlait le langage des astrologues ; mais, ceux-ci, beaucoup allaient plus foin que lui ; à côté des sidérales, en l’effet, l’Astronome de Péluse invoquait l’action insurmontable de la Cause première ; nombre de tireurs d’horoscopes, joignant l’athéisme au déterminisme, n’admettaient point d’autre cause efficiente que les corps célestes un sublunaires. Écoutons ce que le juif Philon d’Alexandrie nous dit[1] des « Chaldéens qui ont enseigné aux autres hommes l’Astronomie et l’Art généthliaque :

« Ils rattachent, comme par des rapports musicaux, les choses qui sont sur la terre aux choses d’en haut, et les êtres du Ciel aux êtres terrestres ; cette symphonie très exactement réglée de l’Univers, ils l’expliquent par la communauté de nature et de propriétés qu’ont, les unes à l’égard des autres, les parties que leurs lieux séparent, mais entre lesquelles La parenté n’établit pas de distinction ; ils admettent que ce monde qui nous apparaît est la seule chose qui existe, qu’il est Dieu ou bien qu’en lui, il renferme Dieu, c’est-à-dire l’Âme de l’Univers ; après avoir divinisé le Destin et la Nécessité, ils épouvantent le genre humain par l’excès de leur impiété ; en dehors de ce qui apparaît aux sens, ils proclament que rien, absolument, n’est cause de rien ; ce sont, disent-ils, les circulations périodiques du Soleil, de la Lune et des autres astres qui, à chacun des êtres, distribuent les biens et les maux. »

Cette doctrine qui asservit toutes choses à un fatalisme imposé au monde sensible par ce monde même, cette doctrine que Philon

  1. Philonis Alexandrini De migratione Abrahami, XXXII (Philonis Alexandrini Opera quae supersunt. Vol. II. Edidit Paulus Wendland, Berolini, MDCCCLXXXXVII, p. 303).