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LA PRÉCESSION DES ÉQUINOXES

connue, elle attira très vivement l’attention des astronomes qui, jusqu’au temps de Copernic et par delà ce temps, ne cessèrent plus de discuter les Tables Alphonsines, de les compléter, de les utiliser. Dès 1483, une édition imprimée du texte latin fut donnée[1] ; d’autres éditions se succédèrent en grand nombre ; on en cite qui portent les dates que voici : 1487, 1488, 1490, 1492, 1518, 1521, 1524, 1534, 1545, 1553 et 1641.

Jusqu’à quel point les Tabulæ Alfonsii reproduisaient-elles fidèlement l’œuvre accomplie sous les ordres du Prince castillan, c’est ce que nous examinerons à la fin de ce Chapitre ; elles représentent, en tout cas, ce que la Chrétienté latine a pris pour la pensée même d’Alphonse le Sage ; ce sont elles, et non point le traité original composé en romance, qui ont exercé une influence puissante et durable sur le développement des doctrines astronomiques. C’est pourquoi ce sont ces tables mises en latin que nous allons étudier tout d’abord.

Les Tables Alphonsines nous intéressent ici par ce qu’elles ont innové dans la théorie du mouvement des étoiles fixes.

Les auteurs de ces tables ont pensé que la théorie formulée dans Almageste, et la théorie proposée par le Liber de motu octavæ sphæræ et par les Tables de Tolède, étaient également incapables, si on les considérait séparément l’une de l’autre, de rendre un compte satisfaisant du mouvement de la sphère étoilée ; mais ils ont admis que ce mouvement pouvait être très exactement représenté si l’on adoptait simultanément les deux hypothèses.

Les astronomes du roi Alphonse supposèrent donc que la sphère des étoiles fixes était animée de trois mouvements : Le mouvement diurne ; un mouvement de rotation uniforme, d’Occident en Orient, autour des pôles de l’écliptique ; enfin le mouvement de trépidation admis par Al Zarkali. Comme un axiome reçu, au Moyen Âge, par tous les physiciens, défendait d’attribuer deux mouvements différents à un même orbe, ces trois mouvements étaient départis à trois sphères distinctes ; le mouvement de trépidation appartenait seul, en propre, à la huitième sphère, à la sphère en laquelle sont enchâssées les étoiles fixes ; le mouvement de rotation d’Occident en Orient lui était transmis par une neu-

  1. Alfontii regis castellæ illustrissimi cœlestium motuum tabulœ, necnon stellarum fixarum longitudines ac latitudines alfontii tempore ad motus veritatem mira diligentia reductœ. At primo Joannis saxionensis in tabulas alfontii canones ordinati incipiunt faustiissirne. Colophon : Finis tabularum astronomicarum Alfontii regis castleæ. Impressionem quam emendatissimam Erhardus ratdolt augustensis mira sua arte et impensa foelicissimo sidere complere curavit. Anno salutis 1483 Sole in 20 gradu Cancri gradiente hoc est 4 non Julii. Anno mundi 7681, solo deo dominanti astris Gloria.