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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

L’un d’entre eux, cependant, le repousse énergiquement pour lui substituer une théorie toute différente ; cette théorie d’Al Bitrogi, nous l’avons exposée au chapitre précédent[1]. Le disciple d’Ibn Tofaïl se borne, comme il le fait pour toutes les parties de son système, à poser les principes qui doivent, selon lui, expliquer le mouvement des étoiles fixes ; mais il ne déduit pas de ces principes les conséquences détaillées qu’il serait possible de comparer aux faits observés ; il ne construit pas de tables ; aussi les astronomes de profession passent-ils, sans s’y arrêter, devant sa doctrine trop abstraite et générale ; ils ne sauraient lui accorder même une part minime de l’attention qu’ils concèdent à la théorie précise d’Al Zarkali.

Alphonse X, roi de Castille, surnommé l’Astronome, le Philosophe ou le Sage, apparaît, dans l’Histoire, comme le type des princes auxquels un goût excessif des choses de l’esprit a fait oublier l’art de régner. Les malheureuses vicissitudes que subit son pouvoir ne l’ont pas empêché, cependant, d’exercer une influence féconde et durable sur le développement scientifique de la Chrétienté latine. Durant sa vie, Tolède devint, plus que jamais, le rendez-vous des astronomes et des traducteurs de toute race et de toute religion, chrétiens, juifs et maures ; de cette source, des courants nombreux dérivaient, qui portaient aux Latins les antiques traditions de la Science hellène et les découvertes plus récentes des sages de l’Islam.

Le 3 des calendes de Juin 1232, le jour même où Alphonse X succéda à son père, furent promulguées les Tables astronomiques dressées sous les auspices du roi Alphonse.

Ces tables étaient rédigées en cet ancien dialecte castillan qu’on nomme le romance. Les listes de nombres qui, originairement, formaient ces tables, semblent, aujourd’hui, perdues[2] ; en revanche, le texte qui accompagnait ces listes paraît conservé, sons sa forme première, en cinquante-quatre chapitres d’un manuscrit de la Bibliothèque Royale de Madrid[3].

Une traduction ou une soi-disant traduction latine en fut donnée ; par qui et en quel temps, nous ne saurions le dire. Nous verrons ultérieurement qu’elle ne paraît pas avoir été connue à Paris avant les dernières années du xiiie siècle ; mais, aussitôt

  1. Vide supra, pp. 151-152.
  2. Alfred Wegener, Die astronomischen Werke Alfons X. 5. Die Tafelfragmente in IV Bande der « Libros del Saber » (Bibliolheca mathematica, 3e série, t. VI, 1905 ; p. 171).
  3. Alfred Wegener, Op. laud., 6. Das kastilianische Original der Alfonsinischen Tafeln ; Ibid., p. 174.