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LA COSMOLOGIE DE PLATON

Plutarque s’exprime[1] d’une manière plus explicite encore en sa Vie de Numa : « Les Pythagoriciens, croyaient, que le feu se trouvait au centre de l’Univers ; ils le nommaient le foyer (ἑστία) et l’unité (μονάς) ; ils ne supposaient pas que la Terre fût immobile ni qu’elle fût placée au centre de la circonférence du Monde ; ils la faisaient tourner en cercle autour du feu, ne voulant pas lui attribuer le lieu qui est, dans le Monde, le plus antique et le plus honorable. Platon, devenu vieux, disait qu’il professait, au sujet de la Terre, une opinion semblable, et qu’il la plaçait en un lieu autre [que le centre], afin de réserver la position la plus centrale et la plus digne du maître (ϰυριώτατην) à un autre être plus puissant (ἑτέρῳ τινὶ ϰρείττονι) ».

Cet être doué de puissance, ce maître que Platon regrettait, en sa vieillesse, de n’avoir pas mis au centre du Monde, comme Philolaüs y mettait le feu, c’est, à n’en pas douter, l’Âme du Monde.


XIII
L’OBJET DE L’ASTRONOMIE SELON PLATON

Cette modification profonde qu’en sa vieillesse, Platon souhaitait d’apporter à son enseignement astronomique, il ne l’a jamais réalisée ; vainement en a-t-on cherché la trace dans ses derniers dialogues ; les rares passages où l’on avait cru la découvrir[2] ne la laissent plus apercevoir lorsqu’on les interprète correctement. Si donc Platon, à la fin de sa vie, a conçu des opinions voisines de celles de Philolaüs, cette évolution de sa pensée n’a pu exercer d’influence appréciable sur le développement des hypothèses astronomiques.

Il en est tout autrement des idées qu’il aimait à exposer touchant l’objet propre que doit se proposer l’étude de l’Astronomie ; guidé, semble-t-il, par des principes qui venaient de Pythagore, l’enseignement de Platon sur cette question paraît avoir exercé une profonde et durable influence ; il paraît avoir grandement incité les successeurs de ce philosophe au perfectionnement des doctrines astronomiques.

À trois reprises, dans la République, dans les Lois, en l’Épino-

  1. Plutarque, Vie de Numa, ch. XI.
  2. Une telle opinion est soutenue dans les écrits suivants : Gruppe, Die kosmischen Systeme der Griechen, pp. 158 sqq. ; Berlin, 1851. G. Schiaparelli, I precursori di Copernivo nell’ Antichità, loc. cit., pp. 399-403.