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LA COSMOLOGIE DE PLATON

vers le bas ou de côté, si elle est établie au centre et si elle se comporte d’une manière semblable [en tous sens par rapport aux extrémités ; car il est impossible que cette chose soit mue simultanément en deux directions opposées ; il est donc nécessaire qu’elle demeure en repos[1]. »


XII
LE FEU PYTHAGORICIEN ET L’ÂME DU MONDE PLATONICIENNE

De cette raison de symétrie, empruntée par Platon à Anaximandre, il ne faudrait pas, d’ailleurs, que l’on exagérât la portée ; valable pour prouver que la Terre, placée au centre de l’Univers sphérique, ne tend pas à quitter ce centre pour se porter vers la circonférence, elle n’a rien qui s’oppose à une rotation sur place autour de ce centre ; à regarder donc les choses de près, contre ceux qui attribuent à Platon l’hypothèse du mouvement diurne de la Terre, l’argumentation que soutient le texte du Phédon ne dresse pas cette évidence, ce δηλονότι qu’y voyait Simplicius,

Pour ne pas ranger Platon au nombre des partisans de cette hypothèse, nous ne pouvons invoquer qu’une seule raison vraiment convaincante ; c’est l’enseignement qu’il donne, ouvertement au Timée et sous forme allégorique en la République, au sujet des mouvements de la sphère des étoiles fixes et des orbes planétaires.

Si cette preuve nous eût fait défaut, nous eussions pu voir sans étonnement Platon se ranger auprès d’Hicétas et d’Ecphantus, auprès des Pythagoriciens postérieurs à Philolaüs qui plaçaient la Terre au centre du Monde et la faisaient tourner autour de ce centre. Ses enseignements, en effet, offrent avec les leurs plus d’une analogie.

Simplicius et un scholiaste anonyme d’Aristote nous ont dit quelles étaient les doctrines de ces Néo-pythagoriciens[2] ; ils nous

  1. La question qui a pour objet de savoir si Platon admettait la rotation de la Terre a été vivement débattue chez les modernes. Cette discussion à laquelle ont pris part Ideler, Bœckh, Gruppe, Hocheder, Susemihl, Georg Grote, Victor Cousin, Th.-H. Martin, G. Schiaparelli, a ajouté fort peu de choses à ce qu’avaient dit Alexandre d’Aphrodisias et Simplicius. On en trouvera un résumé dans August Heller, Geschichte der Physik von Aristoteles bis auf die neueste Zeit, Bd. I, pp. 32-39, Leipzig, 1882, et dans Sir Thomas Heath, Aristarchus of Samos, pp. 174-181.
  2. Voir Chapitre I, § IV, pp. 26-27.