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LA COSMOLOGIE DE PLATON


aux révolutions circulaires et périodiques des astres. La formule pythagoricienne réunit ensemble toutes ces définitions ; ce qui est, qui effet, l’intervalle général de la Nature universelle comprend en soi, d’une manière générale, toutes les natures ; il s’étend à toutes sans aucune exception. »

Lors donc que Timée appelait l’attention de ses auditeurs sur cette Année parfaite que l’on devait nommer plus tard la Grande Année platonicienne, il ne faisait que réveiller en leurs esprits une pensée depuis longtemps familière aux Hellènes. Sans doute, il ne les étonnait pas davantage lorsqu’il leur parlait[1] des alternatives d’embrasement et d’inondation par lesquels le Monde avait passé : et lorsqu’il leur disait, sans préciser, que ces cataclysmes étaient séparés par de grands intervalles de temps (διά μαϰρῶν χρόνων), ceux qui l’écoutaient savaient comment la Grande Année servait à mesurer ces intervalles ; ils reconnaissaient une allusion à l’un des dogmes essentiels des philosophies antiques.


XI
LA POSITION ET L’IMMOBILITÉ DE LA TERRE

Après qu’il a décrit à Socrate le mouvement diurne, commun à l’Univers entier, et les mouvements divers des astres errants, Timée poursuit en ces termes[2] :

« Dieu, enfin, a fabriqué la Terre, notre nourrice ; elle est enroulée autour de l’axe qui traverse Univers de part en part ; elle est la gardienne et la productrice du jour et de la nuit ; parmi les dieux qui sont sous le ciel, elle est le plus ancien.

Comment faut-il entendre ces mots : « La Terre est enroulée autour de l’axe qui traverse l’Univers de part en part ; elle est la gardienne et la productrice du jour et de la nuit ? — Γῆν δὲ… εἱλλομένην περὶ τὸν διὰ παντὸς πόλον τεραμένον, φύλαϰα ϰαὶ δημιουργὸν νυϰτός τὲ ϰαὶ ἡμέρας ἐμηχανήσατο ».

Cette phrase, Aristote semble l’avoir comprise en ce sens que la Terre placée au centre de l’Univers, tourne d’un mouvement diurne autour de l’axe du Monde : « Certains, dit-il[3], prétendent

  1. Platon, Timée, 22 (Platonis Opera, éd. Didot, t. II, p. 200).
  2. Platon, Timée, éd. cit., p. 211.
  3. Aristote, De Cœlo, livre II, cap. XIII (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. II, p. 404 ; éd. Bekker, vol. II, p. 293, col. b).