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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

« Archytas dit « que le temps est le nombre d’un certain mouvement ou bien encore qu’il est, d’une manière générale, l’intervalle propre à la nature de l’Univers ». Par là, il ne réunit pas en une doctrine unique, comme certains le prétendent, l’opinion d’Aristote et celle des Stoïciens. Aristote a déclaré que le temps était le nombre du mouvement et, d’autre part, parmi les Stoïciens, Zenon a dit que le temps était simplement l’intervalle de tout mouvement, tandis que Chrysippe a affirmé qu’il était l’intervalle du mouvement de l’Univers. Archytas ne soude nullement entre elles ces deux définitions ; il crée une définition unique et qui a son sens propre, en dehors des explications des autres philosophes. Il ne dit pas que le temps est le nombre de huit mouvement, selon la définition que donnera Aristote, mais le nombre d’un certain mouvement ; non pas du mouvement de l’un des corps partiels du Monde, comme serait le mouvement du Ciel ou celui du Soleil ou tout autre mouvement spécialement attribué à quelqu’un des mobiles particuliers ; s’il en était ainsi, en effet, le temps ne pourrait être regardé comme un principe ; il ne serait pas digne qu’on le mette, en vertu de son origine, au nombre des premiers êtres. Par ces paroles, Archytas désigne certainement un mouvement primordial et qui soit la cause des autres mouvements… Ainsi, en ce passage, il propose à notre considération un mouvement unique, cause des mouvements multiples, cause qui devait se mouvoir elle-même selon Platon, tandis qu’au gré d’Aristote, elle devait être immobile parce qu’elle est le principe de tous les mouvements. Notre auteur semble donc désigner par ces paroles le mouvement substantiel de l’Âme [du Monde], l’émission des raisons qui lui sont subordonnées par essence, et la transformation de ces raisons les unes dans les autres ; ce mouvement unique-là est ce certain mouvement dont il affirme la liaison avec le temps. Du nombre qui mesure ce mouvement, il dit qu’il est déjà producteur de génération, qu’il procède à la fabrication des êtres qui sont dans le Monde ; c’est ce nombre qui détermine sans cesse les passages et les transformations par les émissions des raisons qui naissent de lui ; c’est lui qui est le temps fécond en œuvres (ὃς καὶ ἐναργής ἐστιν χρόνος)…

» L’Âme est le principe et la cause de tout mouvement, soit qu’elle se meuve elle-même comme le veut Platon, soit qu’elle demeure immobile comme le prétend Aristote ; partant, il est raisonnable qu’elle soit la cause du mouvement, qui sert à définir le temps (τῆς χρονικῆς κινήσεως αἰτία). Mais si Archytas déclare que le temps producteur de la génération est le nombre qui procède du