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LA COSMOLOGIE DE PLATON


encore c’est, d’une manière générale, l’intervalle propre à la nature de l’Univers. Ἐστὶν ὁ χρόνος κινάσιός τινος ἀριθμὸς ἢ καὶ καθόλω διάστημα τᾶς τοῦ παντὸς φύσιος ».

Prise isolément, cette définition pourrait sembler bien ambiguë ; mais, heureusement, Simplicius, qui lisait les livres d’Archytas, y a joint des commentaires capables de l’éclaircir.

Tous les mouvements qui se produisent dans le Monde ont une Cause première, un premier Moteur ; selon la Philosophie d’Aristote, ce premier Moteur sera immobile ; selon la Philosophie de Platon, ce premier Moteur est, en même temps, mobile, il se meut lui-même, il est l’Âme du Monde ; les commentaires de Simplicius posent implicitement l’accord, en ce point, de la Métaphysique de Platon avec celle d’Archxias ; ils supposent, en la doctrine du pythagoricien de Tarente, l’affirmation d’une Âme mobile, principe de tous les mouvements qui se succèdent dans l’Univers.

Le premier de tous les mouvements, c’est donc le mouvement interne de l’Âme du Monde,

he ce premier mouvement émane un second mouvement, extérieur à l’Âme du Monde, et qui est le mouvement général de l’Univers ; le mouvement interne de l’Âme du Monde, qui est la cause, et le mouvement général de l’Univers, effet immédiat de cette cause, sont simultanés ; on les doit concevoir comme deux mouvements périodiques dont la période est la même.

Du mouvement général de l’Univers découlent, à leur tour, tous les mouvements particuliers qui se produisent dans le Monde, les circulations des divers astres ainsi que les générations et les destructions d’ici-bas.

Le temps, au gré d’Archytas, est un nombre déterminé par le second mouvement, par le mouvement général de l’Univers ; l’unité de temps, c’est la durée de la période de ce mouvement. : c’est là l’intervalle général propre à la nature de l’Univers, le τὸ καθόλου διάστημα τῆς τοῦ παντὸς φύσεως ; le temps qui sépare deux événements, c’est le nombre obtenu en comptant les révolutions ou fractions de révolution du mouvement général de l’Univers qui se sont accomplies entre ces deux événements. D’ailleurs, comme le mouvement général de l’Univers et le mouvement interne de l’Âme sont simultanés, on peut aussi bien dire que le temps est le nombre des périodes de ce dernier mouvement.

Telle est la théorie qui nous semble résulter de l’interprétation du texte de Simplicius, texte dont voici les principaux passages[1] :

  1. Simplicii In categorias commentaria, loc. cit., éd. cit., pp. 350-351.