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LA COSMOLOGIE DE PLATON

« Héraclite enseigne, écrit encore Simplicius[1], que, tantôt, l’univers est embrasé et que, tantôt, il se restaure à partir du feu ; ces effets se reproduisent suivant certaines périodes de temps, en lesquelles alternent, dit-il, « les durées d’embrasement et « les durées d’extinction, μέτρα ἁπτόμενος ϰαὶ μέτρα σϐεννύμενος ». Plus tard, les Stoïciens ont adopté la même opinion. »

Plus loin, Simplicius mentionne[2] « ceux qui prétendent que le Monde a été engendré et qui, en outre, enseignent qu’il doit être détruit puis engendre de nouveau, tour à tour, et cela indéfiniment ; c’est, semble-t-il, ce que disaient Empédocle et Héraclite, puis, plus tard, certains Stoïciens ».

À côté du nom d’Héraclite, Simplicius, comme Aristote, cite ici celui d’Empédocle ; auparavant, déjà, il avait rapproché ces deux noms, en donnant des renseignements plus détaillées sur l’opinion d’Empédocle.

« Certains de ceux qui prétendent que le Monde a été engendré, avait-il dit[3], enseignent aussi qu’il est périssable ; mais ils sont, à cet égard, de deux opinions différentes.

» Les uns veulent qu’il soit périssable comme l’est tout autre assemblage d’atomes ; de même que Socrate, qui est mort une fois pour toutes et ne reviendra jamais.

» Les autres veulent que, tour à tour, le Monde soit engendré et détruit, que le même Monde soit de nouveau engendré pour être de nouveau détruit, et que cette succession se reproduise éternellement. Ainsi Empédocle prétend-il que l’Amour (Φιλία) et la Discorde (Νεῖϰος) dominent à tour de rôle ; l’Amour réunit toutes choses en un seul tout, détruit ainsi le monde de la Discorde et, de ce monde-là, fabrique une sphère homogène ; mais alors, la Discorde sépare les éléments les uns des autres et dispose un monde tel que celui-ci. C’est ce qu’Empédocle exprime lorsqu’il dit :

« Tantôt l’Amour l’emporte et réunit toutes choses en une ; tantôt les diverses choses se séparent, mues par la haine de la Discorde ; puis l’unité s’engendre de nouveau au sein de la multiplicité à laquelle elle met fin ; ainsi [l’homogène et l’hétérogène] sont sans cesse engendrés ; ni à l’un ni à l’autre n’est attribuée l’immuable éternité ; mais par là que ces alternances

  1. Simplicii In Aristotelis de Cœlo commentaria ; in Arist, lib. I, cap. X ; éd. Karsten, p. 132, col. b ; éd. Heiberg, p. 294.
  2. Simplicii Op. laud ; in Arist, lib. I, cap. X ; éd. Karsten, p. 138, col. a ; éd. Heiberg, p. 307.
  3. Simplicii Op. laud ; in Arist, lib. I, cap. X ; éd. Karsten, p. 132, col. a et b ; éd. Heiberg, p. 293-294.