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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


ans. Cette dernière évaluation est celle que nous donne le Pseudo-Plutarque, qui puise assurément à la même source que Jean S lobée :

« Les uns, dit-il[1], définissent connue grande année une période de huit ans ; les autres, une période de cinquante-neuf ans. Héraclite la lait de dix-huit mille années solaires. Diogène l’évalue à la grande trois cent soixante-cinq années dont chacune est égale à celle d’Héraclite. D’autres encore la font, de sept mille sept cent soixante-dix-sept ans. »

Ces divers compilateurs s’accordent tous à donner à Héraclite comme un de ceux qui ont proposé une évaluation de la grande Année ; qu’Héraclite ait regardé le Monde comme un être périodique, éternellement détruit et éternellement régénéré, nous en avons l’assurance par divers auteurs et, tout d’abord, par Aristote.

« Tous ces philosophes, écrit Aristote[2], s’accordent à dire que l’Univers a été engendré ; mais certains enseignent que, bien qu’engendré, il est éternel ; d’autres prétendent qu’il est mortel comme tout autre arrangement de choses que la nature a réunies ; d’autres, enfin, disent qu’il est soumis à la destruction de telle sorte qu’il se comporte, tour à tour, tantôt, d’une première manière et tantôt d’une seconde manière, et que cette alternance doit se poursuivre éternellement ainsi ; tels sont Empédocle d’Agrigente et Héraclite d’Éphèse. »

À quatre reprises, Simplicius confirme et complète le renseignement que nous donne Aristote. Ce commentateur dit[3] : « Héraclite enseigne que toutes choses sont faites d’une masse de feu limitée, et que toutes choses se doivent résoudre, de nouveau, en cette masse de feu. Cette opinion semble être aussi celle des Stoïciens ».

Le même commentateur nous a déjà dit[4] qu’au gré de certains philosophes, « il existe toujours un monde ; mais ce n’est pas le même monde qui existe toujours ; ce qui existe, c’est tantôt un monde et tantôt un autre, dont la génération se fait, suivant certaines périodes de temps. C’est ce qu’ont pensé Anaximène, Héraclite, Diogène et, plus tard, les Stoïciens ».

  1. Pseudo-Plutarque, De placitis philosophorum lib. II, cap XXXII.
  2. Aristote, De Cœlo lib. I, cap. X. (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. II, p. 283 ; éd. Bekker, vol. IL p, 279, col. b).
  3. Simplicii In Aristotelis Physicoriun libros quatuor priores commentaria ; in Arist. lib. III, cap. V ; éd. Diels, p. 480.
  4. Simplicii In Aristotelis physicorum libros quatuor posteriores comentaria. Edidit H. Diels. Berolini, 1895. Lib. VIII, cap. II, p. 1121.