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LA COSMOLOGIE DE PLATON


nom de kalpa, et nommée chez nous sindhind. Les Indiens ont appelé cet espace de temps jours du Monde, parce qu’ils en font un jour de Brahma, c’est-à-dire un jour de la Nature ; une nuit de Brahma est l’espace pendant lequel la Nature se repose. La vie de Brahma sera de cent années composées de jours de cette longueur ».

Assurément, les livres astronomiques dont Massoudi et Albyrouny s’inspirent sont fortement imprégnés de Science grecque ; leurs auteurs, nul n’en doute aujourd’hui, ont largement puisé dans l’Almageste de Ptolémée. Mais la doctrine selon laquelle la vie du Monde est périodique et se reproduit à chaque kalpa semble antérieure à ces infiltrations de Science hellénique ; celle-ci lui a seulement apporté des précisions.

Les Chaldéens admettaient, eux aussi, que le Monde était alternativement, et d’une manière périodique, inondé et brûlé ; la période selon laquelle ces phénomènes se reproduisaient était celle qui ramenait tous les astres errants à occuper une même position par rapport au ciel des étoiles fixes. Bérose va nous faire connaître cette tradition.

Bérose était contemporain d’Antiochus I Soter, qui régna sur la Syrie de 279 à 260 av. J.-C. « Ce Bérose, à qui le déchiffrement des cunéiformes rend toute une notoriété[1], appartenait à la caste sacerdotale des Chaldéens, et il était par là initié aux secrets de la science babylonienne. Or Antiochus Soter avait repris l’œuvre de restauration inaugurée par Alexandre en Mésopotamie ; notamment, il avait reconstruit le temple observatoire de Borsippa (20 adar 269-268). Déjà les Chaldéens avaient cru reconnaître dans le vainqueur de Darius le Messie conquérant prévu par leur littérature prophétique. Ils durent être gagnés tout à fait par la munificence du Séleucide qui leur restituait leur édifice sacré, et l’on s’explique fort bien qu’un des leurs ait eu l’idée de traduire en langue grecque un vaste extrait des documents théologiques et historiques dont ils avaient le dépôt, et même qu’il ait dédié à Antiochus Soter son recueil des Βαϐυλονιαϰά.

» Il y a trente ans, l’authenticité des extraits de Bérose était encore discutée. Plus personne ne la conteste aujourd’hui. Les assyriologues s’étonnent de voir leurs données se maintenir si bien devant le contrôle des tablettes cunéiformes, et, dans leurs hésitations, ils recourent à Bérose autant qu’ils le peuvent, comme à un des guides les plus sûrs.

  1. Joseph Bidez, Bérose et la Grande-Année (Mélanges Paul Frédéricq, Bruxelles, 1904).