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LA COSMOLOGIE DE PLATON


départ, après un temps mesuré à l’aide de ce qui reste toujours le même et de ce qui a une marche uniforme (τοῦ ταὐτοῦ ϰαὶ ὁμοίως ἰόντος) », c’est-à-dire à l’aide du jour sidéral, durée de révolution de la nature d’identité (τῆς ταὐτοῦ φύσεως φορά), qui est le mouvement du ciel des étoiles fixes.

En ce Timée, qui fut si souvent commenté, peu de passages ont, plus que celui-là, attiré l’attention ; Platon, cependant, en signalant cette durée au bout de laquelle les astres reprennent tous la position qu’ils avaient au début, ne disait rien qui fût nouveau, et la Grande Année que l’on a appelée platonicienne était certainement connue bien avant lui.

En beaucoup de très anciennes philosophies, on rencontre cette croyance que l’Univers est un être périodique ; qu’au bout d’un temps suffisamment long, il reprendra exactement son état initial et qu’alors, il recommencera à vivre une seconde phase identique à la première ; que cette phase en précédera une troisième toute semblable, et ainsi sans fin. La Grande Année représente, en une telle doctrine, la durée de chacune des périodes dont la succession constitue l’existence perpétuelle de l’Univers ; la détermination de cette durée prend alors une importance sans égale.

Ces idées sur la périodicité de l’Univers semblent, en particulier, s’être développées de très bonne heure dans l’Inde. Nous les trouvons exposées, à plusieurs reprises, par Massoudi et par Albyrouny[1].

Massoudi[2], né à Bagdad en la seconde moitié du ixe siècle de notre ère, passa la plus grande partie de sa vie en voyages. Vers 913, il se rendit par mer dans l’Inde qu’il visita complètement. À son retour, il rédigea une sorte d’encyclopédie historique intitulée : Akhbar-al-zeman ou Mémoires du temps, puis, en un résumé de cette encyclopédie, résumé auquel il donna le nom poétique de Moroudj-al-dzeheb ou Prairies d’or ; ce résumé nous est seul parvenu.

Aboul Ryhan Mohammed[3] était surnommé Al Byrouny parce que sa famille ou lui-même était originaire de Byroun sur les bords de l’Indus. Il était contemporain et ami d’Avicenne. Le sultan Mahmoud l’emmena avec lui durant les campagnes qu’il fit dans l’Inde. Al Byrouny séjourna longtemps en ce pays où il fit de

  1. Reinaud, Mémoire géographique, historique et scientifique sur l’Inde, antérieurement au milieu du XIe siècle de l’ère chrétienne, d’après les écrivains arabes, persans et chinois (Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, t. XVIII, seconde partie, pp. 1-399 ; 1849).
  2. Reinaud, Op. laud, p. 20.
  3. Reinaud, Op. laud, p. 28-31.