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LA COSMOLOGIE DE PLATON

X
L’ASTRONOMIE DE PLATON (suite)
LA GRANDE ANNÉE. — LA PÉRIODICITÉ DU MONDE SELON LES PHILOSOPHIES ANTIQUES

Aux diverses questions que nous venons d’examiner, nous avons vu Platon particulièrement soucieux des temps différents en lesquels les astres mobiles accomplissent leurs révolutions ; et en effet, ces durées sont les raisons d’être des astres.

Pour le bien voir, revenons au récit même de leur création[1], à ce récit qui, autant et plus encore que certains autres passages du Timée, évoque le souvenir du récit analogue qu’on lit en la Genèse.

« Le Monde mobile et vivant était formé à l’image des Dieux éternels ; le Père qui l’avait créé, en ayant pris connaissance, admira son œuvre et, en sa joie, il conçut le dessein de le rendre plus semblable encore à son modèle. Ce modèle étant un être vivant éternel, il s’efforça de rendre le Monde tel, du moins autant que faire se pouvait. Or la nature de l’Être vivant idéal était éternelle ; cela, il n’était pas possible de le transporter pleinement en ce qui était créé ; mais Dieu conçut la pensée de réaliser une sorte d’image mobile de l’éternité. En même temps donc qu’il met l’ordre dans le Ciel, il y produit, de l’éternité qui persiste immobile dans l’unité, une image qui marche sans fin suivant un nombre perpétuel, et c’est cela que nous avons appelé le temps (ποιεῖ μένοντος αἰῶνος ἐν ἑνὶ ϰατ' ἀριθμὸν ἰοῦσαν αἰώνιον εἰϰόνα, τοῦτον, ὃν δὴ χρόνον ὠνομάϰαμεν).

» Car les jours, les nuits, les mois, les années n’étaient pas avant que le Ciel fût né, et ce fut en organisant le Ciel que Dieu fabriqua leur naissance. »

Timée expose alors, comme nous l’avons rapporté au paragraphe VIII, la formation du Soleil, de la Lune et des cinq errants ; il décrit le mouvement propre d’Occident en Orient qui, en chacun d’eux, accompagne le mouvement universel d’Orient en Occident, puis il poursuit en ces termes :

« Ceux dont le cercle était plus petit allèrent plus vite et ceux dont le cercle était plus grand tirent leur révolution avec plus de lenteur…

  1. Platon, Timée, 37-39 ; éd. cit., pp. 209-210.